L’arrangement des notes dépend aussi de l’histoire du correcteur. Si, au cours de la correction d’une pile de copies, il en vient à se rendre compte que les notes sont particulièrement basses et qu’il ne peut souffrir une moyenne aussi basse, il peut, pour ses dernières copies avoir tendance à noter plus large, afin d’avoir une moyenne de 65 ou 70 %. Une telle manière d’évaluer est liée à l’histoire personnelle des professeurs, à un engagement politique progressiste (conservateur vs réactionnaire), voire à leur origine sociale. Pour sauver le niveau global de la classe, un professeur peut modifier son barème de notation en cours de correction, voire recommencer la pile de corrections afin de s’assurer d’être plus juste vis-à-vis de tous.  

Pour Emile Durkheim[1], l’arrangement des notes est une façon de sanctionner et de gratifier les élèves, de « combattre les uns, d’utiliser les autres. » Rien n’a changé en un siècle ! La note est trop souvent utilisée pour sanctionner le comportement scolaire d’un élève en fonction de l’image qu’il renvoie : studieuse ou non. Ainsi, une faute sera considérée comme une « étourderie » pardonnable chez le « bon » élève, tandis qu’elle sera sanctionnée sans état d’âme – et peut-être avec un sentiment de vengeance – chez le supposé « mauvais » élève. En outre, les copies des « bons » élèves sont survolées car considérées d’emblée comme bonnes, tandis que les copies des élèves plus « moyens » sont analysées en vue d’y trouver la « petite bête » qui le mettra en échec ou lui donnera une note bassement moyenne.

Pierre Merle a mis en évidence le comportement des lycéens scolarisés en première[2], en fonction de leur sexe et de la discipline. Les filles cherchant à se faire « bien voir », en bavardant pas ou peu. Les garçons n’ont pas de telles préoccupations. Ce comportement des jeunes filles est associé pendant l’année scolaire, pour une majorité d’entre elles, à une notation supérieure à la notation obtenue aux épreuves anticipées[3] de français. Les garçons, au contraire, obtiennent de meilleurs notes au baccalauréat par rapport à celles obtenues pendant l’année.

La sur-notation des filles et la sous-notation des garçons sont clairement liées à leurs comportements scolaires qui témoigne d’une forme de récompense ou de sanction de la part du professeur qui les a notés. En cherchant à se faire bien voir, les filles infléchissent l’évaluation des professeurs, que cela arrange bien. Il est plus facile de gérer des élèves silencieux, dociles, et calmes que d’autres pleins de vie et qui le revendiquent.

La note est un élément central de l’autorité du professeur. La note est « thérapeutique[4] » mais pour « certains » élèves seulement. Tous les élèves ne méritant pas d’être encouragés.


[1] Emile Durkheim, 1858 – 1917, sociologue français considéré comme l’un des fondateurs de la sociologie moderne.

[2] Merle 1993

[3] Les épreuves anticipées de français, EAF ou Bac de Français désignent les épreuves que les élèves passent à la fin de la classe de première générale et technologique en France, et dont les résultats sont pris en compte l’année suivante, pour leur baccalauréat

[4] Pierre Merle. Les Notes Secrets de fabrication. ibid.

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