Ce mémorandum date de 2005. Si des avancées ont été mises en place par les différents gouvernements, celles-ci sont à la marge. La Communauté française privilégiant la politique des petits pas…

Mémorandum

Le rôle de l’école devrait être de rendre accessible à chacun le bagage de connaissances et de compétences nécessaires pour appréhender le monde et pour participer activement à sa transformation vers plus de justice. « Chacun » signifie tous les élèves indépendamment de leur sexe ou de leur origine sociale, religieuse, ethnique ou nationale.

Manifestement, l’école actuelle ne remplit pas ce rôle car elle sélectionne et exclut essentiellement sur base de l’origine sociale. Le stress, l’échec, les conditions matérielles déplorables engendrent dans le chef de certains élèves, et par corollaire de certains enseignants, une souffrance, elle-même à l’origine de brimades et de violences, sources de nouvelles souffrances.

Il y a lieu d’oser un débat sociétal sur la concurrence entre écoles. En effet, la Belgique, et particulièrement la Communauté Française, a la variance entre écoles la plus considérable des pays de l’OCDE. Cette variance, conséquence de la concurrence anarchique entre établissements, est la cause principale des écarts entre élèves.

Relever ce défi implique la mise en place de réformes du système éducatif qui devraient s’articuler comme suit :

I. Volet qualitatif

1. Il faut promouvoir les mécanismes favorisant la responsabilité collective entre établissements (accueil de tous les enfants, lutte contre les inégalités d’accès et de traitement), afin de favoriser une vraie hétérogénéité socio-économique et, parallèlement, accentuer la politique incitative et/ou compensatoire qui a été entamée par le financement différencié (encadrement différencié, primes aux projets d’écoles qui conduisent à la mixité sociale).

2. Faire en sorte que les difficultés d’apprentissage soient anticipées et, le cas échéant, décelées et traitées rapidement, prioritairement au fondamental qui commence dès la première maternelle. L’enseignant devant rester l’intermédiaire entre l’élève et les savoirs.

  • Objectifs opérationnels :

2.1 Tout en respectant l’autonomie des équipes pédagogiques, il faut veiller à réduire progressivement le nombre d’élèves par classe dans les deux premières années du primaire pour arriver au chiffre optimal de 15 et sans dépasser 20 pour les autres années.

2.2 Mettre en place des dispositifs de remédiations multiples (spécialistes des difficultés d’apprentissage, professionnels présents dans l’école : logopèdes, spécialistes de la dyslexie, dyscalculie, maîtres d’adaptation à la langue, valoriser les innovations pédagogiques des enseignants de terrain et en particulier les travaux d’équipes, …) en évitant toute forme de stigmatisation. Quoiqu’il en soit, l’enseignant doit rester au centre.
1.3 Augmenter l’encadrement logistique (secrétariat, équipements, …) afin de faire en sorte que les directeurs d’école jouent un rôle d’animateur pédagogique.

3. Faire un vrai tronc commun. Dans une première étape jusque 14 ans pour, progressivement, après évaluation, aller jusqu’à 16 ans afin de retarder le plus tard possible la sélection, de laisser les jeunes mûrir leur projet d’avenir et d’éviter les relégations. Nous sommes conscients que cette mesure implique un phasage, néanmoins c’est dès à présent que l’avenir de 800 000 jeunes est en jeu. Il ne faut donc pas les oublier.

  • Objectifs opérationnels :

3.1 Le tronc commun doit comprendre une formation générale, technique, artistique et sportive identique pour tous. Ceci impliquera, entre autre, de repenser le temps scolaire.
3.2 Promouvoir la transition entre les cycles (fondamental/secondaire, secondaire/supérieur).
3.3 Supprimer le redoublement dans le tronc commun. Le redoublement n’apporte pas les effets correcteurs attendus et sera, de toute façon, devenu obsolète grâce aux différentes mesures proposées.

4. Assurer l’accès plein et entier de tous à l’enseignement au travers d’une vraie gratuité. En effet, la réclamation de frais entraîne une discrimination entre élèves et familles et compromet la bonne intégration scolaire et la scolarité même.

  • Objectifs opérationnels :

4.1 La gratuité totale de l’enseignement fondamental et secondaire est un objectif à viser : aucun frais ne devrait être réclamé aux familles pour tout ce qui concerne la fréquentation scolaire (livres, fournitures scolaires de base, transport si nécessaire, garderie de midi) et les activités pédagogiques organisées par l’école (piscine, visites, spectacles, séjour à l’extérieur).

4.2 Développer la vigilance de tous afin de réduire ce coût en menant diverses actions (au niveau du Conseil de participation, revoir à la baisse la liste des frais admis par l’article 100 du décret missions, encourager les pratiques d’économies, veiller à ce que les écoles pratiquent effectivement le coût réel, réclamer la transparence des comptes financiers des écoles de tous les réseaux, exiger l’application de la loi qui interdit le marketing et la publicité dans les écoles) ;

4.3 Développer des pratiques de solidarité ;

5. Améliorer la communication entre les écoles et les familles. En effet, les bonnes relations entre familles et école sont essentielles pour la réussite scolaire et particulièrement lorsque les familles sont culturellement éloignées de la culture scolaire.

5.1 Prévoir, dans l’école, des temps, des lieux, des personnes (par exemple des médiateurs scolaires), des moyens pour s’informer, se rencontrer et se parler, en vue d’un véritable partenariat familles-écoles. dans une vraie relation familles/école.

6. L’école ayant pour mission de développer les mêmes apprentissages chez tous les élèves, il y a lieu de renforcer les évaluations du système éducatif afin de mieux le piloter dans un cadre déontologique (sans pour autant augmenter la concurrence entre écoles).

  • Objectifs opérationnels :

6.1 Disposer de données statistiques fiables qui permettent de mieux réguler le système éducatif.

6.2 Mettre à la disposition rapidement des enseignants les outils/manuels/matrices d’évaluation leur permettant de rencontrer les prescrits pédagogiques des décrets.

7. Formation initiale et continuée

7.1 La formation continuée est nécessaire mais n’est pas suffisante si elle ne s’appuie pas sur un travail en équipe pédagogique qui nécessite des temps et des lieux de concertation.

7.2 Vu la complexité accrue du métier, il y a lieu de renforcer la formation initiale et de la faire passer à l’enseignement supérieur de type long en vue de créer un pôle d’excellence.

7.3 L’accompagnement des jeunes enseignants est essentiel. Aussi il y a lieu de le professionnaliser.

II. Volet quantitatif

L’ensemble de nos propositions nécessite un investissement financier important. Même s’il faut tenir compte du fait que la suppression du redoublement entraînera une économie non négligeable, il ne fait pas de doute qu’au total un réinvestissement s’impose, d’autant plus que le salaire des enseignants n’a plus été augmenté depuis plus de dix ans et qu’il faudra bien en tenir compte si on veut lutter contre la pénurie.

Au début des années 80, notre pays consacrait encore 7 % de son PIB à l’enseignement. Aujourd’hui, nous ne dépassons pas 5 %. Pourtant, la situation de crise sociale s’est aggravée, rendant la tâche de l’école à la fois plus importante et plus difficile. Un retour à cette situation (7 % du PIB) nous semble donc indispensable.

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