Soirée-débat : septembre 2013 (résumé)

De plus en plus d’élèves en sont victimes ; près de 10% des adolescents l’auraient vécu, depuis les injures jusqu’aux coups.

« T’es vraiment laid », « Donne ton goûter », « Tire-toi, t’as rien à faire ici », « D’où tu sors tes vêtements ? », « Intello-fayot…»

Le harcèlement à l’école apparaît fréquemment comme un phénomène collectif : une tête de turc est la cible de tout un groupe mené par un leader.

Disgrâce physique, qualité des vêtements, couleur des cheveux ou de la peau, défaut d’élocution, premier ou dernier de classe : tout peut donner du grain à moudre aux harceleurs. A un âge où le conformisme au groupe présente de nombreux avantages, la moindre différence est sujette à la critique, voire à la moquerie.

Les conséquences du harcèlement à l’école sur la construction de l’identité personnelle peuvent être dramatiques. Chacun des acteurs du harcèlement (la victime, l’agresseur, le témoin) est exposé à de multiples conséquences à court, moyen ou long terme.

Le concept du harcèlement scolaire vient d’un psychologue Dan Olweus et de son étude sur des établissements scolaires scandinaves dans les années 1970. De cette étude il a établi 3 critères pour définir le harcèlement scolaire :

  1. Le ou les agresseurs agissent dans une volonté délibérée de nuire (Ce critère a toutefois été contesté, les enfants n’ayant pas nécessairement la même perception de l’intentionnalité que les adultes) ;

2. Les agressions sont répétées et s’inscrivent dans la durée ;

3. La relation entre l’agresseur ou les agresseurs et la victime est asymétrique.

En termes de harcèlement, la Belgique figure dans la moyenne européenne, soit 10 à 15% de jeunes en sont victimes. Si on compare cela à l’ensemble des 867.260 élèves, cela représente entre 86.726 et 130.089 élèves qui en seraient victime.

Florence Pondeville : juriste au Centre pour l’Egalité des Chances et Lutte contre le Racisme

Le Centre pour l’Egalité des Chances constate qu’une plainte ne change pas la situation dans l’immédiat. Par contre, celle-ci peut mettre en lumière autre chose (les violences familiales subies par le ou les auteurs, le fait d’appartenir à une bande urbaine, …).

Le Centre est un organisme public et autonome qui lutte contre le racisme et les discriminations. Il traite des demandes et des plaintes individuelles. Il reçoit donc également des signalements en matière d’enseignement (108 en 2012).

Il faut être bien conscient que cela représente une infime partie du nombre total de harcèlements dans l’enseignement. Sur les 108 plaintes liées à l’enseignement seulement 11 étaient liées à du harcèlement (Wallonie – Flandre et Bruxelles). La majorité des plaintes sont liées au racisme ou à l’homophobie.

Il est important de toujours écouter les deux versions car l’auteur et la victime ont souvent un ressenti différent, tout comme les spectateurs. Il faut toujours privilégier la résolution du conflit par le dialogue. Si ce dernier ne fonctionne pas, on peut toujours brandir les outils légaux. En effet, le harcèlement est une infraction qui conduit à des sanctions. La loi dit que la personne qui le harcèle devait savoir l’effet que ça aurait sur la victime. En cas de harcèlement discriminatoire, les peines sont plus lourdes.

Témoignage d’une maman

Ce témoignage poignant d’une mère dont le fils de 15 ans a été victime de harcèlement. Elle nous explique qu’elle n’a pas réalisé immédiatement que son fils était victime de harcèlement et qu’elle s’est beaucoup culpabilisée.

Il aura fallu attendre un appel de l’école pour dire que son fils était malade. Et devant le refus de celui-ci de voir le médecin, elle a commencé à se poser des questions. Lors d’un deuxième incident, le médecin diagnostique une gastrite liée au stress. Suite aux questions du médecin, il découvre que le jeune est victime de harcèlement parfois violent, mais comme beaucoup de victimes, celui-ci refuse toute intervention

La mère décide de se rendre à l’école en espérant que la direction prendra des mesures. Elle reçoit un appel 15 jours plus tard, l’informant que son fils à reçu un coup violent entre les jambes. Cette fois-ci, la situation s’aggrave vraiment car les séquelles sont importantes et le jeune va devoir subir une intervention chirurgicale. Il sera donc écarté de l’école durant un temps. La maman profite de cette période pour ré-interpeller la direction et les professeurs. De nombreux professeurs n’ont même pas été mis au courant de la situation et interpellent la direction pour savoir s’ils vont « encore perdre un bon élève ».

Après les 3 semaines de convalescence, le jeune retourne en cours en prétendant que tout se passe bien, avant de quitter l’école quelques jours plus tard et de refuser d’y retourner définitivement. La maman va alors décider de mettre son fils dans une autre école. Aujourd’hui tout se passe très bien pour lui dans sa nouvelle école mais il refuse toujours de parler de se qu’il s’est passé ou de déposer plainte.

La mère a également réalisé que certains signes auraient pu l’alarmer plus tôt, comme ses fardes qui cassaient tout le temps ou ses affaires qui disparaissaient. Elle regrette aussi qu’il n’y ait pas pu avoir une solution avec l’école car elle estime que le changement d’école n’était pas la solution idéale car cela n’as pas réglé le conflit, mais n’a fait que le déplacer. On rejoint donc là, l’avis de Madame Pondeville du Centre pour l’Egalité des Chances.

Madame Vilet : médiatrice scolai-re fédération Wallonie Bruxelles

La médiation est définie comme un processus qu’un professionnel peut mettre en place pour travailler la relation entre deux personnes ou deux parties, à l’aide d’un climat de confiance qui permet aux parties de parler de la relation, de l’interrelation ou des tensions.

Il y a 56 médiateurs implantés dans 56 écoles bruxelloises. Ils peuvent également ré-pondre à la demande d’écoles qui n’ont pas de médiateur interne. Dans le cadre du harcèlement, elle sait que la relation est très complexe mais la médiation est là pour permettre une autre communication.

Le harcèlement peut être abordé dans un conflit entre deux personnes, grâce à un cadre de mise en confiance. La demande peut venir du jeune, d’un éducateur, d’un prof, …

Ce cadre permettra de formuler avec des mots et de faire prendre conscience à l’autre de la réalité et de l’impact de l’attitude de chacun. Aborder le phénomène du harcèlement comme un souci relationnel permet parfois d’aller plus loin. Elle insiste sur l’importance du fait que tous les acteurs de terrain doivent rester attentifs.

Il y a une grande différence entre les équipes mobiles et l’équipe des médiateurs. L’équipe mobile n’est interpellable que par la direction ou le PO alors que les médiateurs sont contactables par tous les acteurs de l’école.

Coralie Theys : présente « Graine de médiateur ».

Coralie Theys est sociologue et s’intéresse aux questions d’éducation et collaboratrice avec l’Université de Paix.
L’Université de Paix intervient dans les écoles primaires et secondaires et fait des animations pour initier les enfants à la gestion positive des conflits. Les activités démarrent dès la 3ème maternelle et elles sont adaptées en fonction de l’âge des participants.

Elle nous explique que le phénomène de bouc émissaire est lié à une violence groupale. Des leaders vont apparaître mais aussi des boucs émissaires et des spectateurs (pour plus d’info cfr. livre De Boeck « Ni loup, ni agneaux »). Le persécuté aura généralement une aversion pour la violence et l’agressivité, au contraire du persécuteur qui utilise cela comme moyen de communication (souvent d’un gabarit assez fort ou bien entouré avec ses lieutenants). 4% des persécuteurs auraient eux-mêmes été liés à du harcèlement en tant que victimes.

Au delà du rôle de victime ou de harceleur, il y a en tout 5 grands groupes qu’on retrouve dans une dynamique de groupe :

– La victime

– Le harceleur

– Les lieutenants (les angoissés qui sont menacés de devenir des boucs émissaires attirent l’attention du persécuteur sur le persécuté) – (les lieutenants sont calculateurs et analysent bien la situation afin d’en tirer profit).

– Les auteurs passifs qui, par peur, ne vont surtout pas réagir, et ceux qui ne se sentent pas impliqués dans la vie de l’école et qui ne prêtent pas souvent attention à cela car ils ont tout ce dont ils ont besoin dans leur vie.

– Les sauveurs. Eux ne sont pas toujours présents, mais même s’ils ont peur, ils essayent de défendre le persécuté ou de mettre en évidence cette persécution.

Coralie Theys nous rappelle qu’il est essentiel, dans les cas de harcèlement, d’agir vite car le phénomène, s’il n’est pas pris à temps, risque de se cristalliser dans la dynamique du groupe.

Graine de médiateur fait des interventions durant toute une année dans la même classe. Ils font beaucoup d’activités rapides de cohésion et travaillent sur la dynamique de groupe afin de développer le vivre ensemble. Ces activités mettent en évidence les dynamiques de groupes et permettent parfois de les stopper. Ils vont aussi essayer de permettre aux enfants d’exprimer leurs émotions et de les identifier lors de situations de conflits. Ce rapprochement de l’autre, permet une meilleure connaissance des autres mais également une augmentation de sa propre estime de soi.

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