Depuis toujours des humains ont eu des difficultés
à coordonner leurs mouvements pour effectuer des gestes quotidiens sans qu’on
en comprenne les raisons. Ce n’est que depuis la fin du XIXe siècle que l’on a
découvert des zones du cerveau responsables de la parole et du langage :
les aires de Broca[1] et de
Wernicke[2].
Au début du XXe siècle, Ernest Dupré, membre de l’académie nationale de
médecine décrivit ce qu’il appelait « débilité motrice[3] » :
« Dans une série de travaux j’ai décrit
sous le nom de syndrome de débilité motrice un état pathologique congénital de
la motilité, souvent héréditaire et familial, caractérisé par l’exagération des
réflexes ostéo-tendineux, la perturbation du réflexe plantaire, la syncinésie[4],
la maladresse des mouvements volontaires et enfin par une variété d’hypertonie[5]
musculaire diffuse, en rapport avec les mouvements intentionnels et aboutissant
à l’impossibilité de réaliser volontairement la résolution musculaire. J’ai
proposé pour désigner ce dernier trouble le terme de paratonie[6].
Presque tous les sujets paratoniques sont peu aptes à l’exécution des
mouvements délicats, compliqués ou rapides ; ils se montrent dans la vie
courante malhabiles, gauches, empotés, comme l’on dit. »
Pendant plus de 60 ans, les chercheurs vont progressivement évoluer de
« débilité motrice », à « dyspraxie du développement », en
passant par « maladresse anormale » mais sans énoncer les différentes
formes du trouble. Ce n’est qu’en 1989, lors de la 43e assemblée mondiale de la
santé, que la CIM[7]
va considérer la dyspraxie comme un « trouble spécifique du développement
moteur ».
Enfin, depuis juin 2015 la communauté internationale utilise le terme TDC
(Trouble Développemental de la coordination) au lieu de TAC (anciennement
appelée dyspraxie). Aujourd’hui, les Anglo-Saxons utilisent le terme TDC. La Belgique,
comme la France utilisent encore le mot dyspraxie, bien que le terme médical
exact soit TDC (trouble spécifique du développement moteur.)
Qu’est–ce que letrouble spécifique du développement moteur (TDC)[8] ?
Il s’agit d’un trouble de l’organisation des
gestes, c’est-à-dire des mouvement coordonnés que chaque personne fait en
général sans y réfléchir. La praxie est la capacité qu’à un être vivant à
coordonner tous les mouvements volontaires effectués dans un but précis (tenir
un crayon, ouvrir une porte, lacer ses chaussures, couper sa viande dans son
assiette, monter ou descendre un escalier, s’habiller, écrire, shooter dans un
ballon, rouler à vélo, etc. Dès lors, une personne avec une dyspraxie éprouve
de grandes difficultés à réaliser certains de ces gestes. C’est une difficulté
spécifique des apprentissages fréquente : on estime que 3 % des élèves
d’une classe d’âge sont « dyspraxiques », ce qui correspond à trois
enfants par groupes de quatre classes d’environ 25 élèves.
A l’école, il s’agit d’un « handicap
invisibilisé » car ses symptômes sont banalisés ou interprétés à tort[9].
L’enfant avec une dyspraxie est souvent considéré comme maladroit, fainéant,
je-m’en-foutiste, malpropre, lent et paresseux. Pourtant, il est tout le
contraire. C’est un spécialiste des efforts sur le long terme. Toute action
qu’il entreprend nécessite un travail intense pour arriver à faire ce que font
les enfants sans handicap. Que ce soit dans le cadre scolaire ou familial,
l’enfant avec une dyspraxie doit continuellement se surpasser. Il doit être
aidé pour s’habiller, pour beurrer et couper sa tartine ce qui ne l’empêchera
néanmoins pas de manger « salement », laisse tomber ses affaires, son
cartable est un paquet de feuilles et cahiers chiffonnés, ses crayons, ses
stylos, sa cassette, semblent sortir de 4 années dans les tranchées, son
écriture est illisible, même son prénom ressemble à de l’écriture cunéiforme. Que
dire ensuite de ses dessins ?
Pourtant, la plupart du temps, ce sont des élèves
vifs et curieux qui soutiennent la discussion avec les adultes. Ils aiment
débattre, argumenter, augmenter leurs connaissances et leurs compétences. Ils
connaissent beaucoup de choses car ils compensent leurs difficultés physiques
par l’acquisition de savoirs scientifiques et de compétences orales. Leur mémoire
est aiguisée par des années de concentration et de réflexions, car c’est leur
seule bouée qui leur permettra de survivre dans le monde de l’école. Cela leur
permet, en effet, d’apprendre avec efficacité.
La dyspraxie n’est un handicap que lorsque l’enfant
est mis dans cette situation. Quand il est seul dans sa chambre, l’enfant avec
une dyspraxie n’éprouve pas ou peu de difficultés. Il peut faire les choses à
son aise, prendre son temps pour lacer ses chaussures (ou mettre des chaussures
sans lacets), choisir ses livres, ses jeux. Il évite les jeux de précision
qu’en général il n’aime pas car ils ne sont pas conçus pour lui. A la maison,
il reçoit l’aide de ses parents pour la vie quotidienne. Ce sont des rythme
qu’ont pris les familles depuis sa naissance et qui font partie de leur réalité
quotidienne.
C’est à l’école que vont se manifester les
premières difficultés réelles. L’école non inclusive n’est pas faite pour la
différence. Apprendre à écrire s’avèrera être un véritable chemin de croix. Si la
dyspraxie n’a pas été détectée (ce qui arrive de temps en temps) l’enseignant
ne comprendra pas pourquoi cet enfant ne fait aucun effort pour écrire les
lettres correctement. En sport, il est gauche, ne saute pas
« normalement », lance le ballon à côté du panier et court comme
kangourou. Il sera vite considéré – et étiqueté – comme un fainéant ou comme un
« cochon », alors qu’il n’en est rien. Mais l’enfant ne sait pas
exprimer ses difficultés. D’ailleurs, à force de ne pas savoir faire comme les
autres élèves de sa classe, il va se dévaloriser et le risque est grand de le
voir lentement décrocher, dès la première primaire (CP) ou de manifester sa
souffrance par des comportements de refus scolaire, voire de révolte.
Il n’y a pas « une » dyspraxie ; il
y en a autant qu’il y a d’enfants avec une dyspraxie. Tous les élèves ne
rencontrent pas les mêmes difficultés avec la même intensité. Mais elle peut
parfois être intense et à ce moment constituer un réel handicap pour l’enfant
qui doit vivre avec elle à l’école, mais également à la maison ou dans les
activités parascolaires.
La Dyspraxie visuo-spatiale
C’est la plus courante. La dyspraxie touche la
coordination des gestes au sens large. Mais il n’y a pas que les gestes de la
main qui soient en difficulté. Il y a également les gestes des yeux. C’est ce
que l’on appelle la dyspraxie visuo-spatiale. Les enfants qui en sont atteint
ont un problème dans le « geste des yeux ». Ils ont du mal à organiser
leur regard, ne savent pas ce qu’ils doivent regarder ou suivre des yeux. Ils
ne fixent pas leur regard. Assister à un matche de tennis ou de ping-pong est
une grosse difficulté pour eux. Il en va de même en classe car la dyspraxie
visuo-spatiale implique un problème d’organisation de l’espace.
Dès lors, la lecture est rendue difficile car les
yeux ne se posent pas là où il faut. Les enfants sautent des lignes ou
recommencent à lire la même ligne plusieurs fois. Leurs yeux ne vont pas
automatiquement à la ligne suivante. Lorsqu’on cherche une information,
naturellement nos yeux bougent pour chercher l’information, font des bonds.
Entre les bonds, ils se posent à l’endroit suivant afin de continuer à lire, ce
que sont incapables de faire les enfants avec une dyspraxie visuo-spatiale. Il
ne fixe pas correctement. Il ne sait pas comment balayer du regard, ses bonds
sont inefficaces, son regard ne se pose pas au bon endroit, il saute des lettres,
des lignes, ou double carrément des syllabes à la lecture orale.
En mathématique le problème est complexe. L’enfant
éprouve de grandes difficultés à dénombrer. A chaque recomptage, la réponse est
différente. La notion de « quantité fixe » lui est inconnue. Tout ce
qui est représentation spatiale lui pose de gros problèmes. Utiliser sa règle,
son compas, son équerre sont autant de difficultés. Il ne parvient pas à tracer
des figures géométriques correctes et donc, ses représentations mentales sont faussées.
Comment se représenter un carré sans angles droits ? Le calcul écrit est
un « problème » : comment faire une addition quand on ne
parvient pas à placer ses chiffres dans les bonnes colonnes ?
Il existe différentes sortes
de praxies
Les
praxies globales comme s’habiller, rouler à vélo, nager, faire du sport, …
Les
praxies constructives comme faire des travaux manuels, jouer à des jeux de
construction, à des puzzles, …
Les
praxies réflexives, comme imiter, reproduire des gestes, …
Les
praxies idéatoires, comme les manipulations d’objets (tourner une clef dans une
serrure, ouvrir une bôite de conserve, éplucher sa pomme, …) ou d’outils, …
Les
praxies idéomotrices (gestes qui ne nécessitent pas l’usage d’un objet
quelconque) comme utiliser sa main pour dire bonjour/au-revoir, demander le
silence, accepter ou refuser de faire quelque chose, …
…
Signes qui doivent nous
alerter ?
En classe :
Une
dyspraxie est souvent accompagnée d’autres troubles spécifiques des
apprentissages : dyslexie (difficulté à lire, à suivre un texte, à copier
un texte, …), dysorthographie sévère (écriture phonétique, …), dyscalculie
visuo-spatiale (manque d’images mentales, difficultés à reproduire des
formes, problèmes d’alignements des chiffres, ne sait pas utiliser ses outils
comme la latte, le compas, le rapporteur, …), dysgraphie (ne respecte pas les
lignes, écriture illisible, lenteur, …) ;
Cahiers
mal tenus, manque d’organisation, incapacité de respecter les lignes et les
colonnes, … ;
Banc
en désordre, cartable entassé, cahiers pliés, classeurs non rangés, feuilles
perdues, … ;
Se
perd dans les couloirs de l’école ;
se
cogne et tombe souvent à la récré ou à la gymnastique, parfois en classe ;
Ne<
sais pas couper sa viande à la cantine, renverse son verre, ne mange pas
« proprement » , … ;
A la maison
L’enfant
n’aime pas certains jeux comme les puzzles, les jeux de construction (cubes,
Lego, Kapla, …) ;
L’enfant
n’aime pas les crayons. Il dessine peu ou pas ;
Il a
des difficultés à s’habiller malgré l’âge qui avance, demande des chaussures
sans lacets, ne boutonne pas ses chandails, … ;
Il
n’est pas « sportif », n’aime ni pas les sports
« organisés » : ballon, natation, danse, … ;
Il
éprouve des difficultés à gérer son assiette : il ne coupe pas sa viande
qu’il préfère manger plantée au bout de sa fourchette, salit la table, renverse
régulièrement son verre, … ;
Il ne
range pas sa chambre et a des difficultés à trouver la place des choses ;
Il
manque de repères tant dans le temps que dans l’espace, … ;
…
Vers qui se tourner ?
Au niveau de l’école
Contacter
les parents et leur faire part de vos interrogations. Leur conseiller de
prendre contact avec le service psychomédicosocial de l’école ;
Informer
le service psychomédicosocial de l’école de vos démarches vis-à-vis de la
famille et de vos questionnements vis-à-vis de l’enfant ;
Proposer
aux parents de faire un bilan neuropsychologique qui permettra de mettre en
place des aides pour l’enfant au niveau de la famille, mais également en classe
via des aménagements raisonnables ;
Accepter
le « handicap » de l’enfant et agir vis-à-vis de qui avec
bienveillance afin de lui permettre de s’intégrer dans le groupe mais également
dans toutes les activités scolaire malgré sa situation de handicap ;
Ne
jamais l’orienter vers un enseignement spécialisé, il a toutes les capacités
intellectuelles pour arriver au bout du cursus scolaire et être diplômé ;
Eduquer
les élèves à toutes les différences, afin qu’ils acceptent leurs ami·e·s
différent·e·s et ne les stigmatisent pas le jour où ils ou elles bénéficieront
d’aménagements raisonnables ;
.. ;
En famille
Accueillir
les questionnements de l’école avec ouverture, c’est pour le bien de votre
enfant ;
Rencontrer
le psychomédicosocial de l’école et/ou faire un bilan neuropsychologique
qui infirmera ou confirmera les questionnements de l’école. Dans l’affirmative,
il prescrira probablement une rééducation orthoptique, une psychomotricité et/ou
une ergothérapie ;
Ne pas nier le problème,
ni culpabiliser l’enfant (il n’est ni paresseux, ni de mauvaise volonté et ce
n’est en rien sa faute) ;
Ne pas le mettre face à
ses échecs et le forcer à refaire les apprentissages qu’il n’a pas pu
faire ;
Au
moins vous perdrez de temps, au plus votre enfant sera aidé ;
… ;
Aménagements raisonnables pouvant être mis en place (liste non exhaustive)
Au niveau de la classe
En conseil de coopération[10] ,
expliquer à la classe la raison et l’importance des aménagements raisonnables
qui seront mis en place. Leur expliquer que, grâce à l’enfant qui a une
dyscalculie, ces aménagement raisonnables bénéficieront à tous ceux qui ont des
difficultés en mathématique. Il est important d’éviter toute
stigmatisation ;
Avoir de l’empathie avec
tout enfant ayant une dyscalculie (comme pour tout enfant avec un ‘Dys’ ou un
handicap), accepter sa lenteur dans la construction mathématique, lui donner du
temps, limiter les travaux (préférer la qualité à la quantité) ;
Le placer à un endroit «
stratégique » de la classe, proche de l’enseignant et des documents de
référence qui sont affichés dans la classe. De même, le tenir loin des zones
d’inattention (fenêtres, lieux de passage, …) ;
Ne pas donner de devoirs
à faire à la maison ou les limiter drastiquement, la classe étant le seul lieu
des apprentissages scolaires ;
Pratiquer le tutorat et
le travail coopératif[11].
Inviter les élèves de l’équipe à recopier son journal de classe à tour de rôle
(sans devoirs, évidemment) ;
Au sein de l’équipe
coopérative, responsabiliser les pairs à aider l’enfant en difficultés à faire
son cartable, à ranger sa trousse, … à faire ses lacets ;
…
Au niveau de la
lecture :
Mettre des repères spatiaux
(gommettes, points) ;
Autoriser le suivi de la
lecture avec le doigt ou avec une latte que l’on place sous chaque
phrase ;
Scanner les textes et les
photocopier en augmentant la taille des interlignes, marquer les débuts des
lignes et utiliser des marqueurs fluos de couleurs différentes ;
Lire les textes chaque
fois que possible afin de lui permettre de travailler à l’oral, lire les
questions avant le texte et lui permettre d’utiliser des surligneurs pour
repérer les réponses ;
Proposer un exercice par
page ou laisser un large espace entre les exercices, avec toujours la même
présentation afin que l’enfant ne s’y perde pas ;
Faire la lecture de
livres en classe pour leur faire aimer la lecture, car ces enfants n’amient pas
lire, télécharger des livres lus par des acteurs ou des bénévoles car ces
enfants apprennent prioritairement par l’oreille ;
… ;
Au niveau de
l’écrit
Utiliser des cahiers aux
lignes larges ;
Faire le moins d’écrit
possible : passer par l’oral ou les photocopies, faire des exercices
« à trous » ;
Verbaliser, autrement
dit, favoriser les apprentissages oraux : ne pas se contenter de schémas
ou d’images, photos, …, mais les expliquer oralement, dans les détails ;
Eviter les dictées ou les
« aménager raisonnablement » en les faisant passer par le verbal
(épeler) ou ne dicter que des mots isolés. L’orthographe d’usage sera apprise
oralement (répétitions, épellations, étymologie, …) ;
Etre exigent sans
l’être : tolérer un graphisme ondulant et agrandi mais à la condition que
l’enfant puisse se relire ;
Ne pas demander de
présentation structurée mais privilégier la lisibilité ;
Eviter tous les exercices
de copie, mais lui fournir (leur fournir – un aménagement raisonnable doit être
généralisé aux autres élèves pour qu’il soit efficace, et ce en fonction de
leurs capacités et compétences) des photocopies claires et lisibles ;
Ne pas lui demander de
réaliser des cartes, dessins ou autres schémas mais être plus exigeant sur
l’oral ;
… ;
Au niveau des
difficultés visuo-spaciales (mathématique, notamment)
Eviter les manipulations
complexes ;
Eviter les activités de
dénombrement ou de comptage ;
Eviter tous les schémas,
images, dessins qui paraissent les réflexions de l’élève ;
Insister sur le
« par cœur » et sur la suite orale des nombres ;
Autoriser la calculette
dans le calcul écrit (il existe également des logiciels qui réalisent la pose
des opérations) ;
Eviter les tableaux à
double entrée mais faire des exercices combinatoires sous une forme
verbale ;
Dissocier raisonnement et
calculs numériques (usage de la calculette) ;
Former l’élève à – et
l’assister – dans l’usage de logiciels de géométrie ;
… ;
Apprentissage des
langues
Privilégier les langues
proches de la langue de l’école, par exemple, origine latine (italien,
l’espagnol, le portugais, …) ;
Mêmes règles que pour la
lecture et l’écrit en français ;
…
Durant les cours
Si l’enfant parle en
travaillant, c’est pour essayer de permettre à son cerveau de mieux comprendre
ce qui est demandé. Il ne faut pas lui dire de se taire mais lui apprendre à
chuchoter. Dans une classe inclusive, tous les élèves ont un casque anti-bruit,
ce qui permet à ceux que ce chuchotage dérange de s’isoler ;
… ;
Activités
manuelles, culturelles et sportives
Eviter les jeux de
construction, les montages, les bricolages et autres ateliers graphiques ;
Le sport est toujours à
encourager mais à l’unique condition qu’il puisse le choisir et que ses difficultés
soient respectées (pas de compétition, par exemple, ni de progression de
couleurs comme dans les arts martiaux) ;
A la piscine ou au cours
de gymnastique, veiller à ce que l’enseignant mette en place une aide discrète
(tuteur, camarade, …) pour lui permettre de s’habiller et de lacer ses
chaussures, mais également de ranger ses affaires dans son sac ;
A la cantine ou en classe
verte, veiller à ce que les surveillants mettent en place une aide discrète
(tuteur, camarade, …) pour lui permettre de couper sa viande, de débarrasser sa
place, … ;
Eviter les apprentissages
musicaux autres que le chant (l’usage d’un instrument – même e triangle – est
complexe pour ces enfants). L’encourager à chanter ;
Privilégier les jeux de
poupées, petites voitures, jeux informatiques ;
L’apprentissage des arts
de la parole sont également à privilégier ;
La visite de lieux
culturels est tout à fait dans ses cordes et est à privilégier ;
…
De manière générale, les aménagements
raisonnables que l’on met en place pour un élève doivent être généralisés à
tous les autres élèves, qu’ils aient ou non un ou des troubles spécifiques des
apprentissages. Tel est l’idée de l’enseignement inclusif. En permettant à tous
les élèves de bénéficier des mêmes facilités, on évite non seulement la
stigmatisation (risque important quand on différencie dans une classe) mais
cela permet à tous les autres élèves, sans besoins spécifiques mais qui ont des
difficultés d’apprentissage, d’en bénéficier. C’est aussi introduire un peu de
justice dans les apprentissages.
[1]
Pierre-Paul Broca (1824-1880) a découvert la zone centrale du langage dans
notre cerveau
[2]
Carl Wernicke (1884-1904), a ensuite découvert de nouvelles zones qui sont
responsables du langage
[4]
Larousse médical 2020 : Contraction involontaire d’un groupe de muscles
apparaissant quand le sujet effectue un mouvement, que celui-ci soit réflexe ou
volontaire, mettant en jeu un autre groupe de muscles.
[5]
Larousse Médical ».Exagération permanente du tonus musculaire (degré de
résistance d’un muscle strié au repos), d’origine neurologique. L’hypertonie
est due à une lésion du système nerveux central, dont la cause peut être
diverse (tumorale, vasculaire, dégénérative).
[6] Anomalie
de la contraction musculaire dans laquelle le muscle, au lieu de se relâcher (…)
se contracte plus ou moins (Garnier-Del. 1972).
[7]
La Classification internationale des maladies (CIM) est la classification
médicale permettant le codage en morbi-mortalité proposée et recommandée par
l’OMS. Elle permet de classer les maladies mais également les signes, symptômes, lésions traumatiques,
empoisonnements, circonstances sociales et causes externes de blessures ou de
maladies. Elle est publiée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et est
mondialement utilisée pour l’enregistrement des causes de morbidité et de
mortalité touchant le domaine de la médecine. https://www.cepidc.inserm.fr/causes-medicales-de-deces/classification-internationale-des-maladies-cim
[8]
Nous continuerons à utiliser dans ce
texte le terme « dyspraxie » car c’est celui qui est utilisé par les
professionnels dans nos pays.
[9]
Par exemple dans l’hypothèse –
fausse – d’une autre déficience (mentale ou comportementale).
[10] Le
Conseil de coopération est un des éléments fondamental de la pédagogie
institutionnelle (cfr Fernand Oury). A ne pas confondre avec le simple conseil
de classe « traditionnel ».
Cette analyse traite d’enfants
orientés vers l’enseignement spécialisé sans que ceux-ci n’aient, à la base, le
moindre handicap physique ou intellectuel. Leurs difficultés sont
essentiellement sociales : enfants vivant soit en milieux de grande
pauvreté ou de quartiers populaires, soit ne possédant pas la langue de
l’école, ou ayant besoin de plus de temps pour apprendre, ou pour de multiples
autres raisons qui touchent essentiellement à leur statut social. Nous n’aborderons pas dans ce dossier les
orientations d’enfants avec handicap ou difficultés spécifiques des
apprentissages.
Qu’entend-on par « orientations abusives » ?
Abus : mauvais emploi, usage excessif ou injuste de quelque chose[1]
En Fédération Wallonie-Bruxelles, l’Ecole oriente inadéquatement de nombreux enfants issus de milieux socialement défavorisés vers l’enseignement spécialisé. Ces enfants ne présentent absolument aucun handicap, simplement des difficultés scolaires. Cette orientation détermine l’avenir de ces enfants qui, pour la plupart, n’auront jamais leur C.E.B.[2]et se retrouveront à terme, sans plus pouvoir faire le moindre choix, vers l’enseignement professionnel ordinaire ou… spécialisé. Il s’agit d’abus de la part des écoles orientantes, c’est la raison pour laquelle nous parlons d’orientations abusives.
Il s’agit d’un « mauvais emploi » de l’enseignement spécialisé qui est destiné aux enfants et aux adolescents qui, sur la base d’un examen multidisciplinaire, (…) doivent bénéficier d’un enseignement adapté en raison de leurs besoins spécifiques et de leurs possibilités pédagogiques[3]. Or, ces enfants n’ont ni besoins spécifiques (aucun examen multidisciplinaire ne leur a détecté le moindre handicap) et leurs possibilités pédagogiques ne sont pas moins bonnes que celles des autres élèves de l’enseignement ordinaire.
L’école ordinaire, si elle le voulait, a tout-à-fait les moyens de suivre ces enfants et de les mener au bout d’un cursus de transition de 12 ans, sans passer par la case échec. Mais l’école a des principes : elle ne permet l’accès aux savoirs qu’aux enfants « bien nés » sans trop de difficultés d’apprentissages. Quant aux autres, ceux qui freinent les apprentissages, qui proviennent de milieux socialement moins aisés et dont le soutien pédagogique important risquerait d’entraîner un « nivellement par le bas[4] », ils sont progressivement éliminés. L’orientation vers l’enseignement spécialisé est la première marche.
Trop peu d’écoles forment leur corps professoral à enseigner aux élèves de milieux populaires. L’article 15 du Décret Missions[5] impose pourtant de différencier les apprentissages en fonction des besoins des élèves. Mais il est vrai que toutes les écoles n’ont pas encore eu le temps de se familiariser avec le Décret Missions. Il ne date que de 1997.
La gestion des
difficultés d’apprentissages est la base du métier d’enseignant
Aujourd’hui, dans nos classes,
nous avons des élèves qui ont des profils d’apprentissages forcément
différents. Certains possèdent mal la langue de l’enseignement. D’autres ont
des difficultés en mathématique, en seconde langue, dans les relations avec les
autres, etc. On pourrait, bien entendu, estimer qu’il s’agit d’une dégradation
des conditions d’enseignement, ce qui serait tout le contraire de la réalité.
De telles conditions se sont retrouvées de tous temps dans nos écoles. On le
retrouvait autrefois dans les villages et dans les villes ou les enfants de
paysans et d’ouvriers peu lettrés ne connaissaient que le wallon ou le patois bruxellois
et avaient les mêmes difficultés d’apprentissage que les élèves des milieux
socio-économiques d’aujourd’hui. Ensuite, cela a été les immigrations diverses,
européennes dans un premier temps, pour finir avec aujourd’hui des familles
d’Afrique du Nord de deuxième ou troisième génération, ainsi que des immigrants
de l’Est qui se retrouvent avec les mêmes difficultés. Bref, rien de bien neuf
sous le soleil de nos classes.
Enseigner est un art ! C’est être capable de transmettre des connaissances, savoirs, savoir-faire, savoir-être, à tous ses élèves, sans la moindre exception. Malheureusement, on ne nait pas enseignant. La formation initiale ne nous a pas formés, au départ, à la détection et à la remédiation des difficultés d’apprentissages, pas plus que nous n’avons été formés à enseigner à un public précarisé, qui ne connaît ni les codes, ni le langage spécifique de l’école. Certains professionnels se forment continuellement ou s’auto-forment de manière à trouver des outils qui vont permettre à tous les élèves d’y arriver. Les pédagogies actives, par exemple, sont, entre autres, une source inépuisable de pistes. Mais pour cela, il faut changer de paradigme et oser s’élancer dans une autre manière de faire école, loin du frontal[6]et d’aller vers un véritable enseignement. Malheureusement, tous les professionnels de l’école ne se forment pas en ce sens et, dès lors, se retrouvent démunis face à ces difficultés. Une des dernières solutions qu’ils trouvent est l’orientation vers l’enseignement spécialisé, avec tout ce que cela importe d’abus pour les élèves en matière de destruction de l’image de soi, de générations condamnées[7], de sentiments d’injustice, de déni de l’être humain et d’avenir définitivement bouché, voire de révoltes sociales.
En mettant en compétition,
depuis des années, les réseaux d’enseignement et les écoles, une certaine
idéologie élitiste scolaire a réussi à… construire toujours et toujours plus de
barreaux aux murs des écoles afin que tous n’y entrent pas ou alors qu’ils ne
puissent y rester « trop longtemps ». Comment peut-on demander à des
profs mal formés de porter sur leurs épaules l’orientation d’un seul être
humain ? Comment peut-on leur demander de décider si tel élève aura droit
d’avoir une vie épanouissante ou, au contraire, une vie peu valorisante ?
Comment peut-on encore orienter ou pratiquer le redoublement aujourd’hui ?
Ce sont des pratiques d’un autre âge, des pratiques discriminantes et
inhumaines. Et surtout, des pratiques inefficaces. Sauf pour former les
esclaves de demain.
La pauvreté
n’est pas un handicap
Depuis plus de 20 ans, on
remarque une orientation des élèves d’origine socio-économique ayant de grosses
difficultés d’apprentissages vers l’enseignement spécialisé, alors que celui-ci
ne leur est pas destiné, et que ceux-ci n’ont absolument aucun handicap. Leur
nombre est passé de 8 448 élèves en 1989-1990 à 13 370 durant l’année scolaire
2017-2018, soit une augmentation de 58,2 % en 20 ans.
L’enseignement de type 8[8] qui est le plus sollicité a vu sa population augmenter de 50,3% (+ 2 432 élèves). Dans l’enseignement de type 3, l’augmentation a été de 49,1 % (+ 675 élèves) et dans l’enseignement de type 1, après avoir explosé au début de ce siècle, depuis 2012, elle est en léger recul pour se situer à 4061 élèves (+80,8 %). Ces élèves qui, pour l’immense majorité d’entre eux n’a aucune déficience, représentent à eux seuls un tiers de l’ensemble des élèves de l’enseignement spécialisés (35,3 %)[9].
L’enseignement de type 1 est sensé scolariser des enfants ayant une déficience mentale légère. Dans les faits, de nombreux enfants issus de milieux précarisé et n’ayant aucune déficience intellectuelle s’y retrouvent scolarisés, suite à une orientation abusive.L’enseignement de type 3 est sensé scolariser des enfants ayant un trouble du comportement. Mais nombreux sont les élèves un peu trop turbulents ou ayant des troubles envahissants du développement qui s’y trouvent orientés. L’enseignement de type 8 est sensé scolariser les enfants ayant des troubles instrumentaux[10]. En réalité, l’immense majorité des élèves scolarisés en type 8 n’a aucun trouble instrumental, mais vivent dans des quartiers populaires et/ou dans des familles socialement défavorisées. Les professeurs de l’école ordinaire ne se sont pas tous formés à accueillir des enfants vivant dans des familles dont l’école a décroché.
La démographie a bon dos
On pourrait imaginer que cette
augmentation est due à une démographie galopante en Belgique. Si, en effet, l’augmentation
de la population se confirme, l’évolution des orientations vers les types 1, 3
et 8 de l’enseignement spécialisé, et spécialement d’élèves ne possédant pas
nécessairement la langue de l’enseignement et certainement pas ses codes ne
peut pas être corrélée. En effet, dans le graphique ci-dessous, on constatera
aisément que l’augmentation des orientations est nettement supérieure à
l’augmentation de la population de notre pays.
En tenant compte de la
démographie et donc de l’augmentation de la population de notre pays, la
progression du type 8 est encore de 31,4 % (+ 1 737 élèves). Celle du type 1
qui continue de baisser, est cependant encore de 58, 3 % (+ 1 496 élèves),
tandis que l’augmentation du nombre d’élèves inscrits dans le type 3, est de
30,6 % (+ 480 élèves). Soit 3 713 élèves de plus que ne le justifiait
l’augmentation de la démographie, orientés vers l’enseignement spécialisé.
Autrement dit, l’augmentation
de la population ne peut justifier qu’une augmentation de 1 209 élèves entre 1989
et 2017, sur la progression des 4 922 élèves supplémentaires.
On peut donc en conclure que,
pour de nombreuses écoles ordinaires, l’orientation vers l’enseignement
spécialisé est considéré – et de plus en plus – comme l’ultime remédiation. Cet
enseignement, trop mal connu des professeurs de l’ordinaire est donc vu comme
la solution miracle qu’ils n’ont pas su, pu ou voulu mettre en place eux-mêmes.
Mais pour les miracles, ce n’est pas le bon chemin à prendre et ce, même pour l’enseignement confessionnel. Malgré leur immense bonne volonté, les enseignants de l’enseignement spécialisé ne savent pas faire de miracles, d’autant plus que les élèves qu’ils récupèrent sont cassés et laminés par un enseignement ordinaire trop souvent incapable de remplir ses missions vis-à-vis des plus fragiles et de celles et ceux qui ont le plus besoin d’aides, de soutien, de différenciation, de pratiques adaptées aux milieux socialement défavorisés et, surtout de bienveillance.
Rappelons que l’enseignement
spécialisé « est destiné aux enfants et aux adolescents qui, sur la base
d’un examen multidisciplinaire, (…) doivent bénéficier d’un enseignement adapté
en raison de leurs besoins spécifiques et de leurs possibilités pédagogiques.
Ils sont désignés par l’expression « enfants et adolescents à besoins
spécifiques ». Il est organisé sur la base de la nature et de l’importance
des besoins éducatifs et des possibilités psychopédagogiques des élèves et
assure le développement de leurs aptitudes intellectuelles, psychomotrices,
affectives et sociales tout en les préparant, selon les cas :
à l’intégration dans un milieu
de vie ou de travail adapté;
à l’exercice de métiers ou de
professions compatibles avec leur handicap qui rend possible leur intégration
dans un milieu de vie et de travail ordinaire;
à la poursuite des études
jusqu’au terme de l’enseignement secondaire supérieur tout en offrant des
possibilités de vie active.
Le type 1 est
destiné aux élèves qui ne peuvent être compris parmi ceux qui présentent un
retard pédagogique et pour lesquels l’examen pluridisciplinaire, (…) conclut à un retard et/ou à un (des) trouble(s)
léger(s) du développement intellectuel. Leurs possibilités sont telles
qu’ils peuvent acquérir des connaissances scolaires élémentaires, une habileté
et une formation professionnelle qui permettent de prévoir leur intégration
dans un milieu socioprofessionnel ordinaire.
Le type
3 est destiné
aux élèves pour
lesquels l’examen pluridisciplinaire, visé
à l’article 12,
§ 1er, 1°,
conclut à la
présence de troubles
structurels et/ou fonctionnels
de l’aspect relationnel
et affectivo-dynamique de
la personnalité, d’une
gravité telle qu’ils
exigent le recours
à des méthodes
éducatives, rééducatives et
psychothérapeutiques spécifiques.
Le type 8 est destiné aux élèves pour lesquels l’examen pluridisciplinaire visé à l’article a conclu à des troubles des apprentissages. Ceux-ci peuvent se traduire par des difficultés dans le développement du langage ou de la parole et/ou dans l’apprentissage de la lecture, de l’écriture ou du calcul, sans qu’il y ait retard mental ou déficit majeur sur le plan physique, comportemental ou sensoriel. Ils doivent être considérés comme des troubles complexes aux origines multifactorielles[11] ».
Ces trois types d’enseignement
spécialisé ne sont pas destinés à recevoir des élèves ayant des difficultés
d’apprentissage, et dont le seul « handicap » est exclusivement
« social », issus de familles fragilisées sur le plan socioéconomique
et culturel. Les
parcours des élèves sont fortement influencés par deux variables : le genre et
l’indice socio-économique du quartier de résidence.
La place de ceux-ci est dans
l’enseignement ordinaire, avec les élèves qui ont plus de facilités, et ils
doivent y être maintenus, sans que le moindre redoublement et la moindre
orientation ne soit mise en place. C’est leur droit le plus fondamental !
L’enseignement spécialisé ne peut pas remplir pas sa mission
L’enseignement de type 8 n’accueille
les élèves que jusqu’à la fin du primaire. Ce sont, pour la plupart, des élèves
qui, on l’a dit, ont des difficultés d’apprentissage mais n’ont aucune
déficience intellectuelle. Ils sont donc tout-à-fait à même d’acquérir les
apprentissages, pour autant qu’on mette en place les pratiques pédagogiques
dont ils ont besoin.
Mais la doxa[12] scolaire est solide et la croyance infondée que l’enseignement spécialisé va venir en aide à ces élèves est tenace. Que ce soit dans les écoles ordinaires mais également parmi les personnels des CPMS qui sont chargés de procéder à l’examen multidisciplinaire d’orientation. Dès lors, la pression est mise sur les familles concernées afin qu’elles acceptent l’orientation (quand on leur dit qu’elles sont en droit de refuser, ce qui selon les retours que nous recevons de ces familles, est rarement le cas – ou alors cela n’a pas été clair pour elles).
La chose est enjolivée. Mais
c’est fait par des gens qui ne connaissent pas l’enseignement spécialisé et ses
réalités. On fait miroiter des « petites classes », un transport
scolaire gratuit, un encadrement supplémentaire (logopèdes, …). Et pour les
rassurer il est ajouté que l’enseignement spécialisé permet d’acquérir le
Certificat d’Etudes de Base et de retourner dans l’enseignement ordinaire plus
tard, une fois les difficultés résolues. La plupart du temps, c’est à ces
conditions-là que les familles acceptent.
Mais soyons clairs : ces
professionnels ne cherchent nullement à berner les parents, même si l’idée de
se débarrasser d’un élève en grandes difficultés motive leur démarche. Le
problème c’est qu’ils ne connaissent pas les réalités du Spécialisé. Ils ne
connaissent pas les résultats que ces élèves obtiendront au C.E.B.
Malheureusement, on est loin
de la coupe aux lèvres. Les chiffres sont dramatiquement différents.
Ainsi, pour le seul type 8 :
seulement
une petite centaine d’élèves retourne en enseignement primaire ordinaire chaque
année (soit moins de 1 %) :
seulement
une centaine d’élèves de 6e année obtient son C.E.B. et peut accéder
en 1A de l’enseignement secondaire ordinaire, soit une moyenne de 8 %. (0,7 %
pour les enfants de Type 1 et 4 % pour les élèves de type 3)
Le reste est dirigé, en partie vers la 1B[13] de l’enseignement secondaire ordinaire, ou continuera dans l’enseignement spécialisé.
Si, « en 2013-2014, l’entrée dans le type 8 avait plutôt tendance à diminuer au fil du parcours dans l’enseignement ordinaire. En 2018-2019, la provenance des élèves qui entrent dans le type 8 est moins linéaire. En effet, en 6 ans, on note qu’ils sont proportionnellement moins nombreux à venir d’une première primaire et plus nombreux à provenir d’une troisième, d’une quatrième ou d’une cinquième primaire[14] ».
Si une centaine d’élèves seulement réussissent leur C.E.B.
c’est parce que l’enseignement de type 8 ne vise pas les compétence à atteindre
en fin de 6e année, mais plus souvent un niveau de 4e
primaire. Tout au plus, tentent-ils de différencier les apprentissages en
fonction des difficultés des élèves.
Mais il n’est pas question ici de leur jeter la pierre. Les
élèves qui leur sont confiés arrivent le plus souvent chez eux en cours de
scolarité primaire. 11 % des élèves seulement passent dans le type 8 au sortir
de l’école maternelle. Les autres sont orientés après avoir fait un parcours
d’une à quelques années dans l’enseignement ordinaire où ils n’ont connu
qu’échecs sur échecs. Il est dès lors impossible pour ces enseignants d’à la
fois tenter de reconstruire l’enfant, de lui redonner confiance dans ses
(immenses) possibilités, de récupérer le retard accumulé et en plus de lui
transmettre toutes les connaissances nécessaires pour avoir son Certificat
d’Etudes de Base. En 2, 3 ou 4 années, il est impossible à tout pédagogue de
transmettre les savoirs de 6 années complètes, à des enfants cassés et laminés
par l’école.
Toute orientation abusive « handicape » un enfant
Un pourcentage infime de ces élèves[15], seulement, avait au départ, un handicap physique ou mental en arrivant dans les types 1, 3 et 8 de l’enseignement spécialisé. Nous avons vu que le Type 8 ne pouvait qu’orienter encore 39 % des élèves dans le secondaire spécialisé (40% en 2018-2019[16]). Les Types 1 et 3 font mieux encore en orientant respectivement 79 et 72 % de leurs élèves vers le secondaire spécialisé[17].
Comme on le voit, un nombre
important d’élèves, qui n’avaient rien à y faire, ne sortent pas de
l’enseignement spécialisé. Ils y restent et n’auront plus aucun espoir de le
quitter. Leur avenir est écrit, ils seront à terme, avec un peu de chance, qualifiés
avec un diplôme de l’ « enseignement qualifiant spécialisé », un
enseignement de qualité mais qui n’est pas considéré par les professionnels
comme du même niveau que le qualifiant ordinaire. Et, même si leurs diplômes
seront équivalents, ces élèves seront considérés par leurs employeurs comme sous-qualifiés
et, forcément, sous-payés.
En quittant l’école primaire spécialisée et en étant inscrits en enseignement secondaire spécialisé, ces élèves qui n’avaient aucune déficience intellectuelle ou physique sont devenus, tout simplement… « handicapés » ! De quoi ? Personne ne sait, mais ce sera leur réalité[18].
Les diagrammes suivants nous montrent la Répartition par type des élèves sortis de l’enseignement primaire spécialisé en 2004-2005 et inscrits en 2005-2006 dans l’enseignement secondaire spécialisé[19]. Le constat est sans appel. La majorité d’entre eux va être inscrite dans un type d’enseignement destiné à des enfants porteurs de handicaps mentaux ou comportementaux.
La
ségrégation de genre est importante
Dans l’enseignement spécialisé, la proportion de filles et de garçons est inéquitable. Les garçons sont beaucoup plus nombreux. Tous les élèves n’ont donc pas des chances égales de réintégrer l’enseignement ordinaire. Alors que les filles et les garçons ne sont pas du tout répartis de façon égale dans l’enseignement spécialisé de type 8 (avec seulement 37.2% de filles et 62.8% de garçons), le pourcentage de garçons et de filles qui réintègrent l’enseignement primaire ordinaire est équivalent, ce qui signifie donc que les filles ont plus de chance de réintégrer l’enseignement primaire ordinaire, et plus encore pour l’enseignement secondaire ordinaire[20].
En 2018-2019, les filles représentaient 35,4 % des élèves de l’enseignement spécialisé, tandis que les garçons étaient 64,6 %. L’écart continue à se creuser.
Comment entre-t-on dans l’enseignement spécialisé ?
Conditions d’orientation de
l’enseignement ordinaire, vers l’enseignement spécialisé :
Pour
inscrire un enfant dans les types 1, 2, 3, 4 ou 8, il est nécessaire que le PMS
(ou un service d’orientation scolaire et professionnelle) établisse un rapport
motivant une telle orientation. Pour le type 5, ce rapport doit être établi par
un pédiatre. Pour les types 6 et 7, ce sont respectivement un spécialiste en
ophtalmologie ou en oto-rhino-laryngologie qui doivent établir le rapport.
Les
parents doivent marquer leur accord à cette inscription, tout comme ils peuvent
s’y opposer. Malheureusement, la plupart du temps, ceux-ci ne sont pas à même
de comprendre les tenants et aboutissants d’une telle orientation :
Entre 1 % et 8 % des élèves, selon les types, on
la chance d’obtenir le CEB ;
Entre 39 et 79 %, selon les types, seront
dirigés vers l’enseignement secondaire spécialisé ;
Pour ainsi dire aucun ne pourra suivre un
enseignement général de transition jusqu’au bout ;
Une partie finira en E.T.A. (Entreprise de
travail adaptée), alors qu’ils n’ont pas de handicap ;
La majorité décrochera ou obtiendra un diplôme
peu reconnu par les professionnels.
Il y a donc lieu de refuser toute orientation vers l’enseignement spécialisé si l’enfant n’est pas à « besoins particuliers », autrement dit, porteur de handicap supposé ou reconnu. Et encore… les écoles doivent devenir inclusives (voir nos nombreux posts sur le sujet[21])
Comment sortir son enfant de l’enseignement spécialisé ?
Conditions
de réorientation de l’enseignement spécialisé vers l’enseignement
ordinaire :
Toute demande de réorientation vers l’enseignement ordinaire doit être faite sur base d’un avis motivé non contraignant du Conseil de classe et du CPMS. En cas d’orientation vers l’enseignement secondaire, l’élève doit également obtenir l’avis favorable du conseil d’admission de l’école d’accueil. L’avis des parents n’est que consultatif. Ils n’ont donc pas la possibilité d’imposer la réintégration dans l’enseignement ordinaire[22].
Quelles alternatives à l’orientation vers l’enseignement spécialisé
Seul un enseignement pleinement
inclusif permettra aux écoles d’accueillir tous les élèves sans les envoyer
dans l’enseignement spécialisé. Aussi,
Les établissements scolaires doivent former
leurs enseignants :
à la mise en place de pédagogies actives ;
à la mise en place de tous les aménagements « raisonnables » (on dira « nécessaires » à l’accueil de toutes les différences d’apprentissage, ainsi qu’à tous les handicaps) dans toutes les classes, de tous les niveaux et à les rendre structurels, de manière à ne plus devoir les réinstaller année après année, en fonction des besoins. Ils doivent bénéficier à tous les élèves en fonction de leur besoins momentanés ou sur le long, voire le très long terme ;
à la remédiation immédiate ;
au tutorat,
à la détection des difficultés d’apprentissage et à leur remédiation,
à la gestion de classes hétérogènes,
à la différenciation,
aux différentes cultures et aux milieux socioculturels différents[23] ;
à la didactique ;
au travail en équipe (car cela ne peut se faire seul dans sa classe) ;
à accueillir toutes les différences et à en faire des richesses pédagogiques ;
…
Encourager les établissements scolaires à créer des classes inclusives selon le modèle des classes-Tremblay. Celles-ci intègrent 6 élèves à difficultés d’apprentissage et bénéficient d’un second enseignant à temps plein. En effet, chaque enfant intégré « rapporte » 4 heures « enseignant spécialisé », soit 24 heures semaine, ce qui correspond à l’horaire d’un second enseignant. Malheureusement, à l’heure où nous rédigeons ce dossier, nous ne savons pas ce qu’il adviendra de l’intégration scolaire, dans le cadre des Pôles territoriaux. Depuis 2009, les élèves présentant des difficultés d’apprentissages pouvaient bénéficier d’un soutien de l’enseignement spécialisé, tout en restant dans leur école ordinaire. Pour permettre ce maintien, la ou le titulaire de la classe recevait le soutien d’un enseignant de l’enseignement spécialisé afin de lui apprendre à aider l’enfant en difficulté scolaire. C’est le Décret Intégration de 2009 qui définit cette mise en place. Le Pacte pour un enseignement d’excellence voit le maintien dans l’ordinaire au travers d’ « aménagements raisonnables », ce dont les élèves de milieux populaires n’auront pas droit, n’étant pas à besoins spécifiques. Il faudra donc aider les professeurs à mettre en place des pédagogies adaptées à ces enfants…. probablement sans aide extérieure. A suivre….
Dans TOUS LES CAS, il faut favoriser la mise en place de ce processus d’intégration de l’élève, afin de lui permettre de rester dans son école ordinaire, au sein de ses relations sociales, et éviter ainsi qu’il soit scolarisé dans une école qui n’est pas la sienne, située dans un autre quartier et qui, de toute manière, n’est pas à même de lui apporter les savoirs auxquels il a droit.
[2]
C.E.B. = Certificat d’études de base. Premier diplôme, délivré à la fin de la
sixième primaire.
[3] Décret
organisant l’enseignement spécialisé du 3 mars 2004
[4] Expression inconnue en pédagogie. Aucune
école ne nivelle par le bas.
[5] Décret
définissant les missions prioritaires de l’enseignement fondamental et de
l’enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre
en Communauté française de Belgique (24/07/1997).
[6]
La dispense de cours « frontaux » n’est pas enseigner, mais seulement
débiter des « matières » aux rares élèves qui ont l’envie ou la
capacité de suivre. Ils s’éloignent de toute forme de pédagogie et leur
résultat en est l’échec d’élèves qui pourraient parfaitement réussir dans un
système à pédagogie active qui prend soin de tous.
[7]
Selon l’OCDE, il faut 5 générations
pour sortir de la pauvreté. Orienter ces enfants vers l’enseignement spécialisé
est, de facto, les condamner à la pauvreté et donc condamner leurs futurs
enfants, petits-enfants… jusqu’au moins la 5e génération.
1 : pour les élèves présentant un
retard mental léger
2 : pour les élèves présentant un
retard mental modéré ou sévère
3 : pour les élèves présentant des
troubles du comportement et/ou de la personnalité
4 : pour les élèves présentant un
handicap physique
5 : pour les élèves hospitalisés
(maladies ou convalescences)
6 : pour les élèves malvoyants et
non-voyants
7 : pour les élèves sourds,
malentendants ou dysphasiques graves
8 : pour les élèves présentant des
troubles instrumentaux (perception, motricité, langage, mémoire) et des
troubles d’apprentissage
[9] L’enseignement spécialisé comptait 37 843 élèves en 2017-2018
[10] Par exemple un retard du langage, des troubles isolés de l’articulation ou des troubles complexes du langage oral, des troubles lexicographiques, une dyscalculie ; des troubles du raisonnement, un bégaiement, un mutisme sélectif ; une hyperkinésie, une instabilité psychomotrice ; un retard psychomoteur ou d’autres troubles psychomoteurs ; des tics isolés ; la maladie de Gilles de la Tourette ; une intrication de troubles psychomoteurs et du langage, etc. La liste est longue…
[11] Décret organisant l’enseignement spécialisé du 3 mars 2004
[12] Larousse.fr : Ensemble des opinions communes aux membres d’une société et qui sont relatives à un comportement social. Ensemble des croyances et des idées non objectives.
[13] 1 B = 1ère différenciée, destinée à accueillir les élèves qui n’ont pas leur CEB et à le leur faire acquérir. La 1ère D, à son tour, ne sera pas capable d’assumer sa mission vis-à-vis de ces élèves. Notre enseignement n’est pas fait pour les élèves ayant des difficultés d’apprentissage (et donc n’est pas capable d’enseigner). Elle les rejettera par la suite en les orientant vers l’enseignement professionnalisant.
[15] Nous parlons uniquement des élèves qui ont été orientés pour des raisons socio-économiques et culturelles. Il y a un faible pourcentage d’élèves possédant de véritables handicaps instrumentaux, physiques ou mentaux. Nous ne parlons pas d’eux dans cet article.
[17] Les derniers indicateurs de l’enseignement taisent ces chiffres, se centrant exclusivement sur le type 8. Comme quoi, il y a encore du boulot pour informer le citoyen… Mais fondamentalement, extrêmement peu de choses ont changé.
[18] Récoutez Thomas Gunzig « Les gogol sont de sortie » https://www.facebook.com/LaPremiereRTBF/videos/la-plume-de-thomas-gunzig/1003456693483325/
Pourquoi un
décret inscriptions en
Fédération Wallonie-Bruxelles ?
L’Ecole est un droit de tous les enfants et nul ne peut pratiquer de discrimination à leur encontre[1]. Ce principe élémentaire était bafoué par certaines[2]écoles au moment de l’inscription. En effet, ces écoles, parmi les plus demandées, pratiquaient allègrement la discrimination à l’inscription. Quoi de plus facile quand on a trop de demandes ? Elles triaient principalement leurs futurs élèves sur base de critères sociaux (les enfants issus de milieux moins favorisés étaient trop souvent refusés), mais également sur base de critères aléatoires (les résultats scolaires antérieurs) ou comportementaux (dossiers de l’élève à l’école primaire). D’autres encore acceptaient des inscriptions prématurées, parfois trois ans à l’avance, afin de réserver les places à leur public privilégié.
Le
Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, estimant à juste titre que ce
sont principalement les personnes les moins favorisées qui avaient des
difficultés à s’inscrire dans l’école de leur choix, a voulu promouvoir
davantage de mixité sociale dans les écoles qu’elle subsidiait et a tenu à
lutter contre cette forme de discrimination. En septembre 2007, le gouvernement de la Communauté
française fixe une date commune de début des inscriptions des élèves en
première secondaire. Les écoles devront dorénavant attendre le 30 novembre
avant d’inscrire de nouveaux élèves pour l’année scolaire suivante.
L’inscription
n’est, d’ailleurs, pas la seule illégalité pratiquée par les directions de
certaines écoles élitistes. D’autres dysfonctionnements ont entraîné
l’apparition d’une logique de marché scolaire dont les parents sont les
clients, et qui ont pour conséquence l’inefficacité de notre système scolaire pointé
par toutes les études internationales. Citons, par exemple, Le minerval ou les
frais à l’inscription ; la ségrégation durant la scolarité (de manière à
éliminer les moins « scolaires », de préférence s’ils sont issus de milieux
sociaux défavorisés et ce, via l’échec scolaire) ou le caractère homogène de
l’offre d’enseignement (peu de choix d’options ou choix d’options « fortes »
comme, par exemple le latin, car on sait que certains milieux sociaux ne
choisissent pas cette option), etc.
Il fallait
commencer à détricoter cet écheveau en commençant par un bout : le Politique a
choisi le moment de l’inscription dans l’enseignement secondaire[3].
Il est à porter au crédit de la Ministre Marie Arena d’avoir été la première à
oser s’en prendre à ce système. Elle l’a payé sur le plan politique.
Comme le
rappelle Benoît Galand[4]
(CGé, 2007), « on peut
s’interroger sur les effets en termes de cohésion sociale du degré de mixité
sociale que l’on rencontre dans les écoles d’un système scolaire (Meirieu &
Giraud, 1997). Quel message transmet-on aux jeunes en les scolarisant dans des
écoles où ils rencontrent une grande diversité sociale ou au contraire dans des
écoles très ségrégées socialement ? Comment cette mixité sociale affecte-t-elle
les représentations des différents groupes et rôles sociaux, les préjugés, les
perceptions de la justice sociale, … des élèves et des enseignants ? L’école
n’a-t-elle pas là un rôle à jouer ? Les enjeux de la mixité sociale ne sont
donc pas minces. D’autant que les effets en termes d’apprentissage sont
socialement déséquilibrés : ce sont généralement les élèves les moins bien
préparés à la scolarité (souvent ceux d’origine populaire) qui sont le plus
affectés par la qualité de l’enseignement qui leur est proposé. »
Pour rappel,
lors de son
adoption le décret
Inscriptions entendait répondre
plus particulièrement à trois objectifs[5] :
organiser
de manière pragmatique
et transparente le
processus d’inscription en vue de limiter
la tension entre
les places disponibles
dans certains établissements et l’importance de la demande les concernant
;
assurer à toutes les familles égalité d’accès à
l’ensemble des établissements scolaires et égalité de traitement dans le
processus d’inscription ;
promouvoir
la lutte contre
l’échec scolaire, améliorer
les performances de
chaque enfant, lutte contre
les mécanismes de
relégation en soutenant
la mixité sociale, culturelle et académique.
Il est
évident que l’objectif politique est noble, puisqu’il vise, à terme, une
société plus hétérogène et plus inclusive. Il ne peut qu’avoir le soutien de
tous les progressistes, même si l’objectif de mixité sociale est loin d’être
atteint. Si on veut arriver à une véritable mixité sociale cela imposera, qu’à
Bruxelles, le pourcentage d’enfants prioritaires issus de quartiers moins
favorisés, passe à 50 %[6].
Avec quels
objectifs pédagogiques ?
Le concept
de mixité sociale n’est pas en lui-même porteur en termes pédagogiques. Il est
plus parlant de parler de gestion de l’hétérogénéité
scolaire, càd du « Comment
faire face aux différents niveaux d’acquis présents au sein d’un groupe-classe?
[Rudy Wattiez, Cgé].
En effet,
sur le plan pédagogique, ce n’est pas de mixité sociale que l’on parle. Pour
faire progresser un groupe-classe, il est important d’hétérogénéiser le public,
plutôt que de tenter de l’homogénéiser. Au plus les différences
d’apprentissages sont grandes, au plus il est nécessaire de mettre des
pratiques pédagogiques adaptées en place. Pratiques pédagogiques qui vont
bénéficier à tous les élèves, quelles que soient leurs facilités ou difficultés
scolaires. L’hétérogénéité permet un véritable « nivellement » vers le haut,
tandis que l’homogénéité, recherchée actuellement par les redoublements et
orientations diverses, est un véritable nivellement catastrophique vers le bas[7] !
Les études
internationales ont démontré que, de tous les peuples de l’OCDE, les belges
étaient les plus inégalitaires ! Notre enseignement est l’un de ceux où
l’hétérogénéité sociale est la plus faible et, par corollaire, qui est l’un des
plus inefficaces. Le niveau des élèves dépendant de l’école qu’ils fréquentent.
Selon que
vous soyez puissant ou misérable…
… les jugements d’Ecole vous rendront brillant ou rempli
de désespoirs. En choisissant leur population scolaire, certaines écoles décidaient
également de l’avenir des élèves qu’elles rejettaient. En effet, l’école que
fréquente un enfant influence son niveau scolaire. Les élèves issus de milieux
moins favorisés, et se trouvant inscrit dans une école défavorisée, réussissent
moins bien que les enfants issus de milieux favorisés, scolarisés dans des
écoles favorisées.
Pourquoi ?
Parce
qu’on n’apprend pas tout seul ! L’effet des pairs (élèves du même âge) est
fondamental : on apprend moins vite dans un environnement où les acquis
scolaires sont faibles que dans un environnement où les acquis scolaires sont
élevés. Et cela, même si on a soi-même, des acquis scolaires faibles !
Cela
s’explique. Dans son étude, Benoît Galand[8]
relève trois raisons :
On apprend plus vite quand on est entouré d’élèves de
bon niveau scolaire. Le niveau scolaire étant en partie liée à l’origine
sociale, c’est dans les écoles « privilégiées » que l’on a le plus de chances de
fréquenter des élèves au niveau scolaire élevé ;
Les ressources financières et humaines des écoles sont
influencées par son public. Sur le plan financier, les familles favorisées
peuvent contribuer aisément à l’équipement et aux frais scolaires de leur enfant.
Sur le plan humain, les équipes pédagogiques (les enseignants) sont plus
expérimentées et moins soumises à des rotations du personnel dans les écoles
privilégiées. La qualité de l’enseignement varie donc, parfois, selon le public
de l’école ;
Selon le public de l’école, l’élève sera plus ou moins
exposé à la violence et à la (dé-) motivation scolaire. Le risque d’être
confronté à des violences verbales et/ou physiques est plus important dans les
écoles « défavorisées », contrairement aux écoles « favorisées » ou les élèves
ont une attitude plus positive vis-à-vis de leur scolarité. Ces élèves, en
outre, souhaitent suivre une scolarité plus longue et ont une ambition forte
pour leur avenir. Rassembler les publics les moins favorisés au sein des mêmes écoles,
ne fait qu’accroître les difficultés (scolaires et comportementales).
Le niveau de
mixité sociale des écoles a des conséquences sur le cursus scolaire des élèves
ainsi que sur le travail des équipes éducatives.
Et Benoît
Galand de conclure « Les faits rappelés ci-dessus montrent que la mixité
sociale apparaît comme un des éléments importants si l’on veut éviter de voir
se creuser les inégalités scolaires et de voir augmenter le nombre d’élèves
n’atteignant pas le niveau d’apprentissage attendu au terme de la scolarité
obligatoire. »
Les effets « école » sur les élèves
Selon qu’ils
sont intégrés dans une école favorisée ou non, les élèves ont une vision
différente de leur scolarité (C. Piquée et M. Duru-Bellat – 2000) :
Les élèves des classes les plus défavorisées portent
sur leur école des jugements moins favorables que les élèves des autres écoles
;
Certaines normes sociales sont moins intégrées par les
enfants de milieux défavorisés (confusion des normes scolaires) ;
Dans les classes primaires défavorisées, l0 % des
élèves envisagent un métier d’ouvrier;
Les élèves favorisés ont des ambitions moins élevées
lorsqu’ils fréquentent des classes défavorisées ;
Il n’y a pas de différences d’attitudes selon que les
enfants sont scolarisés dans des classes favorisées ou défavorisées ;
les élèves ont de meilleures ambitions lorsqu’ils sont
scolarisés dans une école favorisée ;
Dans les classes favorisées, les élèves modestes
n’envisagent jamais un métier ouvrier ;
Les élèves ont l’impression que le climat est meilleur
dans les écoles favorisées.
Il va donc de
l’intérêt de tous les enfants issus de milieux défavorisés d’être intégrés au
sein d’un établissement scolaire favorisé. 20 % des
places leur étaient réservées en priorité, mais dans
les faits, le nombre de familles qui choisissent de bénéficier de cet avantage
est faible. Il est dans l’intérêt de tous que ce pourcentage augmente.
Tous les élèves sont-ils faits
pour toutes les écoles ?
Absolument !
Croire ou faire croire que certains enfants ne seraient pas capables de suivre
un enseignement dans les écoles favorisées tient, ou de l’affabulation, ou de
l’incompétence ! En effet, tous les élèves sont doués pour l’étude. Croire que
certains élèves seraient des intellectuels tandis que d’autres seraient plutôt
artistes ou manuels est absolument faux (des gens « bien mal pensants » parlent
même d’ « intelligence de la main », une autre manière – ségrégationniste – de
désigner les enfants défavorisés). En fait, chacun de nous a, à la fois, de
grandes capacités intellectuelles et manuelles !
Cette idée
archaïque, qui date du début du XXe siècle est à ranger au musée de l’histoire
de la pédagogie. Jean Piaget a démontré, au début des années 60, que
l’intelligence se construit. Il a prouvé que TOUS les enfants devaient
reconstruire les idées, les concepts ou encore les théories qui paraissent
évidentes aux adultes. Bref, grâce à la théorie de PIAGET, on est convaincu
aujourd’hui que tout s’apprend ou mieux, que tout se construit . Ce qui
distingue les élèves c’est leur vitesse d’apprentissage. Bref, la qualité de
l’apprentissage réalisé n’a aucun rapport avec le temps mis pour y arriver.
Depuis plus de 50 ans, on peut affirmer que TOUS les élèves sont doués pour
l’étude (cela s’appelle le « postulat d’éducabilité »).
Il n’y a donc
pas d’école plus adaptée à un certain public scolaire qu’à un autre. Tous les
enfants, quelles que soient leurs origines, sont capables de suivre un
enseignement de qualité , quelle que soit l’école. Dès lors, il est fondamental que les familles les moins favorisées
inscrivent massivement leurs enfants dans les écoles favorisées, afin de leur
donner un maximum de chances d’atteindre un niveau scolaire de meilleure
qualité.
Malheureusement,
la commission de pilotage estime que la
part d’élèves issus d’écoles primaires à indice socioéconomique faible ne varie
pas vraiment dans les écoles. Elle n’augmente quasi pas dans les écoles où elle
est faible, ne diminue pas plus dans celle où elle est élevée. Bref, d’un point
de vue socioéconomique, la population des écoles a peu changé depuis la mise en
place du décret[9].
Les effets « école » sur les enseignants
Selon qu’ils
enseignent dans une école favorisée ou défavorisée, les enseignants ont une
vision différente de leur métier (C.Piquée et M. Duru-Bellat – 2000) :
Tous déclarent des priorités identiques (méthodes de
travail efficaces, apprendre à mobiliser et réutiliser des connaissances, …)
mais dans la pratique, les différences apparaissent ;
Les pronostics de réussite sont nettement plus forts
dans les classes favorisées ;
Dans les classes défavorisées, les enseignants
reconnaissent le plus souvent ne pas terminer le programme ;
Les problèmes de discipline sont plus fréquents dans
les classes défavorisées ;
L’exercice du métier est jugé plus agréable dans les
écoles favorisées que dans les écoles défavorisées.
L’objectif de
viser à une véritable mixité sociale et donc à une véritable hétérogénéité
pédagogique est également de l’intérêt de tout le corps enseignant.
Pourquoi se limiter à un Décret inscriptions seulement à l’entrée de
l’enseignement secondaire ?
Les pratique
« anciennes » des écoles secondaires sont encore de mise dans de
nombreuses écoles maternelles et primaires. De même, quand elles n’ont pu
entrer par la grande porte, les familles qui n’ont pas eu la chance d’obtenir
le précieux sésame reviennent deux ans plus tard, à l’entrée du second degré,
pour y inscrire leur enfant sans ne plus avoir besoin de respecter le décret
inscriptions. Cela encourage les écoles à « faire de la place », et
donc à orienter les élèves qui correspondent le moins à leurs critères
subjectifs vers les enseignements techniques ou professionnels en fin de
deuxième secondaire. Il s’agit bien de discrimination basées sur les
différences sociales. Cela n’est pas plus acceptable qu’en août 2006, quand
l’avant-projet du décret inscriptions a été soigné avec pour objectif de rendre
l’école socialement plus mixte. Il est donc important de réguler à tous les
niveaux et pendant toute la scolarité obligatoire.
En outre, il est évident que
l’arrive du Tronc commun jusque 15 ans va chambouler les objectifs du décret
inscriptions. Il s’agit, en quelques sortes d’allonger l’école fondamentale de
3 années. Aussi, le passage dans l’enseignement supérieur sera le second moment
où les familles devront chercher une nouvelle école. Il ne serait pas
acceptable que les pratiques anciennes reviennent et que le degré supérieur de
l’enseignement de transition puisse à nouveau choisir ses clients, délaissant
celles et ceux qui ne conviendraient pas à leurs critères de sélection.
Dès lors, rédiger un nouveau
décret inscription est une bonne chose mais si ce dernier se limite à l’entrée
dans le secondaire, il aura raté l’essentiel : rendre l’école plus
égalitaire.
[1] Voir Article
28 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant (ONU 1989)
[2] II s’agissait d’une minorité d’écoles. Il ne faut, en
aucune manière, jeter l’opprobre sur l’immense majorité des directions qui ne
pratiquaient nullement cette forme de discrimination. Malheureusement, c’est
par la faute de cette minorité, que des règles d’accueil de tous ont dû être
mises en place sous la forme d’un Décret.
[3] Nous noterons que les écoles fondamentales ont
toujours le loisir de pratiquer la discrimination des élèves à l’inscription.
Il est, aujourd’hui, impératif de penser rapidement à un futur décret inscription
à l’école primaire, afin de tenter d’atteindre l’équité et de lutter contre
l’injustice à tous les niveaux de l’enseignement obligatoire.
[4] Benoît Galand est docteur et professeur en sciences
de l’éducation l’Université catholique de Louvain.
[5]
Rapport 2014 de la Commission de pilotage relatif au Décret inscriptions
[7]
Nous ne parlons pas de
« nivellement PAR le bas », concept inconnu en pédagogie qui
consisterait, pour les plus nantis à refuser que l’école privilégie l’aide aux
plus faibles, afin de ne pas ralentir les apprentissages de leur propre
progéniture.
La conception universelle de l’apprentissage (CUA) s’inspire de l’universal design, terme architectural qui, dès le début de sa conception, s’assure qu’un équipement, un environnement ou un lieu soient accessible à toutes et tous[1]. L’objectif est de réfléchir, dès les premiers pas du projet, aux difficultés qui pourraient se présenter aux utilisateurs potentiels. Cela permet d’établir des plans proactifs qui répondent à un besoin avant même que celui-ci ne se manifeste (ascenseur, mains courantes, rampes d’accès, panneaux en braille, etc.).
La conception universelle de l’apprentissage
(CUA) prend exemple sur ce concept pour prévoir la planification rigoureuses
des difficultés qui pourraient se présenter afin de mettre en place
préalablement les aménagements pédagogiques, organisationnels et physiques qui
seront indispensables pour permettre à tous les élèves d’accéder à tous les
apprentissages qu’ils seront capables d’acquérir en enseignement inclusif. En
pédagogie, cette notion a été conceptualisée par l’expression Universal Design for Learning dont la
traduction la plus répandue en français est la Conception universelle de l’apprentissage. Kame’enui
et Simmons[2]
utilisent l’expression « rampe
cognitive » pour montrer à quel point l’universal design peut s’appliquer à l’éducation. Par définition, la
CUA vise tous les types d’apprentissages et de connaissances.
La Conception universelle de l’apprentissage est une macrostratégie. Autrement dit, elle a pour objectif d’assurer une cohérence interne à l’ensemble de la démarche pédagogique dans le cadre des apprentissages (que ce soit une leçon spécifique, une série de cours ou tout le programme d’une année). Selon Reigeluth et Keller[3], les macrostratégies consistent à « définir une direction générale ou une trajectoire pour l’instruction et comprennent des composants plus précis ou détaillés » (traduction libre). Ces deux auteurs comparent une macrostratégie à une molécule composée d’atomes. Ces derniers représentent les microstratégies qui sont les différentes démarches d’enseignement-apprentissage. Le rôle de la macrostratégie est d’organiser l’ensemble de la démarche pédagogique en s’appuyant sur les microstratégies, afin d’en assurer la pertinence, la cohérence et de planifier leur mise en œuvre.
La gestion d’une classe hétérogène comme l’est une classe inclusive est complexe car cette hétérogénéité doit être gérée, non en « normalisant » les élèves comme cela se fait dans l’enseignement traditionnel, mais au contraire dans une perspective de dénormalisation où les élèves peuvent « vivre pleinement leurs différences sans avoir à les modifier pour être acceptés en société.[4] » La classe doit être pensée comme un lieu où se côtoient autant de différences qu’il y a d’élèves. On propose donc aux élèves diverses adaptations environnementales adaptées à leurs besoins, mais également diverses formes d’enseignement adaptées aux difficultés de tous les élèves, afin de permettre à tous d’acquérir les différents savoirs enseignés.
La CUA opère une rupture avec l’enseignement frontal (ou « traditionnel ») davantage centré sur la transmission des savoirs, planifié en fonction du groupe-classe et tenant peu compte de la diversité des élèves[5], voire est réfractaire à répondre aux besoins diversifiés de l’ensemble des élèves[6], qu’ils aient ou non des besoins particuliers.
La nécessité de prendre en compte la diversité des élèves implique donc une rupture radicale avec l’école de l’échec en s’ouvrant à une variété d’approches pédagogiques et organisationnelles favorisant le développement du potentiel de chaque élève. Il ne s’agit nullement de complexifier le travail des enseignants mais au contraire de l’alléger. On ne passe pas d’un système frontal à la pédagogie universelle d’un coup de baguette magique. Cela se fait progressivement, pas à pas. Aussi, la variété des pratiques s’apprend en douceur. Le plus important est d’avoir la volonté d’y arriver (seul ou en équipe) et de tenir le cap avec détermination. L’objectif qui doit être visé dès le départ est d’être assez flexible (en offrant une variété de stratégies et de ressources pédagogiques) pour permettre à chaque « élève », en fonction de son profil, d’acquérir un apprentissage.
En somme, il s’agit d’imiter l’architecte qui, dès le premier coup de crayon, imagine des solutions à toutes les difficultés que des personnes, quelles que soient leurs spécificités, pourraient rencontrer dans le bâtiment qu’il conçoit. Le défi est donc d’anticiper et de donner, dès le début d’un apprentissage et en plus de l’accompagnement de l’enseignant, tous les outils aux élèves pour atteindre les objectifs fixés.
La Conception universelle de l’apprentissage comprend 3 principes qui permettent de mettre en place un programme d’enseignement-apprentissage visant à permettre à chaque élève d’acquérir tous les savoirs, savoir-faire et savoir-être que lui transmettent un/des enseignant(s).
1. Le « QUOI » (Les acquis).
Ou, qu’est-ce que je veux apprendre aux élèves et comment est-ce que je transmettrai ce(s) savoir(s)?
Il s’agit d’offrir plusieurs moyens de représentation. Tous les élèves
n’apprennent pas de la même manière. Il est important de se questionner sur les
représentations et le rapport aux savoirs. Comment ? D’abord, en veillant
à ce qu’ils comprennent. Certains élèves ont un déficit d’attention ou un
trouble du langage qui les défavorise face à des explications verbales.
D’autres ont besoin de voir ou de faire pour comprendre. Il faut donc utiliser
des modes de présentation adaptés et ne pas se contenter d’informations
uniquement auditives ou visuelles ;
Enfin, l’école utilise une langue qui n’est pas accessible à tous. Une
sorte de langue d’ « initiés » (vocabulaire, structure, syntaxe
propres à l’école) que seuls les enfants venant de familles
« initiées » (qui, elles-mêmes, ont réussi un parcours scolaire pour
lequel elles ont – déjà – été bien préparées dans des familles
« initiées ») peuvent comprendre ou se la faire traduire à la maison.
L’important sera de clarifier le vocabulaire, d’aider au décodage des symboles
et d’illustrer les notions à l’aide de plusieurs supports.
De même il est important d’aider à la compréhension, par exemple en
faisant ressortir les points importants et en établissant les relations qui
lient les différentes notions.
La CUA s’adapte à tous ses élèves, non pas en parlant un langage
enfantin, mais en permettant à tous les élèves de comprendre ce langage
d’ « initiés » et à l’utiliser et en variant les modes de
présentation. On n’apprend pas un concept, une langue, une notion, de la même
manière que son voisin. Selon les difficultés d’apprentissage des élèves, il
sera nécessaire de varier les explications en s’adaptant à chaque enfant. Par
exemple, en sollicitant différents sens, en personnalisant les apprentissages
et en multipliant les moyens de représentation. Un des plus grands défis associé à la gestion de la diversité en classe
est de maintenir des exigences élevées pour tous les élèves afin de favoriser
la progression de tous, et ce, au mieux de leurs capacités[7].
Enfin (mais tout est
lié sans hiérarchie), en activant les connaissances antérieures. Et, pour
reprendre le concept de Lev Vigotsky, en restant dans leur zone proximale de
développement (et donc d’apprentissage). La zone proximale de développement est
déterminée par « la disparité entre l’âge
mental, ou le niveau de développement présent, qui est déterminé à l’aide des
problèmes résolus de manière autonome, et le niveau qu’atteint l’enfant quand
il résout des problèmes non plus tout seul mais en collaboration [8]. »
Comme le tableau
ci-après le montre, l’objectif du « QUOI » est de former des apprenants débrouillards, bien informés
et compétents.
Le « COMMENT » (Les méthodes)
Ou, comment rendre les élèves actifs en leur offrant plusieurs moyens d’action et d’expression.
La CUA a pour
objectif de créer une culture
d’apprentissage où la diversité est acceptée et où les élèves sont invités à
démontrer leurs connaissance de différentes façons[9]. L’idée
est de proposer aux élèves un éventail de possibilités pour faire la démonstration
de leurs savoirs, et ce, dans diverses situations.
On n’apprend pas en ne s’impliquant pas dans ses apprentissages. Ceux-ci
peuvent s’apprendre seul ou avec d’autres élèves du groupe-classe. La
coopération entre pairs est importante pour favoriser l’acquisition des savoirs
chez tous les élèves. Lorsqu’on s’implique activement, on apprend plus et
mieux. De même, l’utilisation d’outils (technologiques ou non) de soutien
renforce l’autonomie dans les apprentissages.
Il s’agit de réfléchir aux différents moyens qui seront mis à la
disposition des élèves pour s’exprimer et communiquer et de les former à
l’utilisation de ceux-ci par un accompagnement. Ces moyens sont aussi variés
que peut l’être l’imagination humaine : écrits ou oraux, en passant par la
poésie, le courriel, la (re)présentation graphique, l’exposé, le jeu de rôle,
le dessin, la peinture, la création d’affiches, …
L’élève sera progressivement capable de se fixer des objectifs réalistes
et appropriés et d’en évaluer les résultats. Ceci aussi, demande un
accompagnement progressif, qui commence dès les petites classes.
L’objectif du « COMMENT » est de former des apprenants centrés sur des objectifs stratégiques (voir le
tableau plus bas).
LE « POURQUOI » (l’affectif)
Ou, comment motiver les élèves.
La motivation est une des clefs de l’acquisition des savoirs. L’objectif
du « POURQUOI » est d’inciter les élèves à relever les défis proposés
par l’enseignant et donc, de chercher à développer leur motivation à apprendre,
et par là-même, à s’engager davantage dans les activités pédagogiques.
La motivation passe aussi par la possibilité de faire des choix
individuels, ce qui participe également de l’autonomie de chaque enfant et donc
aussi de la possibilité d’apprendre seul ou en équipe coopérative. Il est
important d’encourager la collaboration et le tutorat entre pairs au sein de la
communauté de la classe. Les élèves doivent pouvoir choisir les apprentissages
qu’ils veulent faire, parmi un choix proposé par l’enseignant ou guidé par lui.
De même, l’autonomie est indissociable de l’auto-évaluation. On ne peut
apprendre réellement que si on est capable de juger, par soi-même, si les
objectifs fixés sont atteints ou non.
Comme vous le
lirez ci-dessous, l’objectif du « POURQUOI » est de former des apprenants motivés et déterminés.
clic droit, puis afficher l’image
Le design de
l’environnement d’apprentissage
La pédagogie universelle tient compte également de l’environnement
scolaire, que ce soit de l’école ou de la classe. Si les bâtiments, les cours
de récréation dégenrées, les lieux communs (réfectoire, toilettes, couloirs, …)
sont adaptés à tous les élèves quelles que soient leurs problèmes de mobilité,
la classe doit également être adaptée.
Dans une classe, il est possible de regrouper les élèves de manières
multiples et variées en fonction des apprentissages de chacun. La classe doit
être flexible et permettre les regroupements en fonction des activités de
chaque élève. Ces activités peuvent être différentes, voire complexes (tout le
monde ne doit pas apprendre la même chose et en même temps que les autres). Une
classe inclusive comporte du matériel divers susceptible de les aider dans les
divers apprentissages auxquels ils seront confrontés.
Léna Bergeron, Nadia Rousseau et Martine Leclerc[10]
(2011) proposent quelques lignes directrices pour aider les enseignants qui
souhaitent se lancer dans la pédagogie universelle et ainsi adapter leur classe
pour favoriser la réussite de tous leurs élèves. Ces lignes directrices sont :
une variété de matériel
pédagogique sollicitant tous les sens ainsi que la flexibilité dans le choix
des ressources matérielles qui sont adaptées à un large éventail d’apprenants,
et ce, indépendamment de leurs styles d’apprentissage, capacités ou handicaps ;
une simplicité dans la
communication des attentes élevées, dans la diffusion de l’information, dans
les consignes liées aux activités pédagogiques ainsi que dans la rétroaction à
la suite d’une tâche effectuée. Cette communication simple, précise et
cohérente doit soutenir les apprentissages, indépendamment des expériences, des
connaissances, des compétences langagières et du niveau de concentration des
apprenants ;
la tolérance à
l’erreur pour limiter les conséquences fâcheuses occasionnées par une action
malhabile et accidentelle ;
l’accès à un
environnement éducatif qui promeut les interactions et la communication entre
les élèves, et entre les élèves et les intervenants scolaires; et finalement,
un climat
d’apprentissage invitant et inclusif où les attentes sont élevées, et ce, pour
chacun des apprenants. L’aménagement physique ainsi que la mise en place d’un
contexte éducatif susceptible de soutenir tous les élèves, indépendamment de
leurs besoins, apparaît comme une spécificité importante de la pédagogie
universelle. Tout comme l’architecte est soucieux de l’environnement, la
pédagogie universelle implique que l’enseignant le soit tout autant[11].
Le design de
l’instruction (Universal
Design for instruction)
Tout comme on adapte un bâtiment en prévision des difficultés que
rencontreront ses usagers, quelles que soient leurs spécificités, les activités
pédagogiques sont choisies en fonction de la variété des besoins des élèves,
quels qu’ils soient et quelles que soient leurs spécificités. L’idée n’est pas
de réinventer la roue, mais de s’informer et de se former (cela peut être par
des lectures ou des formations en présentiel) à diverses approches pédagogiques
validées comme, par exemple, la pédagogie coopérative[12] ou
toutes les pédagogies validées par des recherches en sciences de l’éducation,
la différenciation pédagogique, etc.
Un design pédagogique, ça se planifie
La première étape consiste à se fixer les objectifs que l’on désire
atteindre à la hauteur de la capacité de chacun des élèves, sans exception (en
respectant la zone proximale de développement décrite par Lev Vygotsky[13]).
Autrement dit, il s’agit de définir l’intention pédagogique (contenu et sujet
de l’apprentissage) en fonction des savoirs essentiels que l’on veut
transmettre et donc des compétences à développer chez les élèves. Il est
important de distinguer les apprentissages qui doivent être acquis par tous les
élèves, des apprentissages pour lesquels des nuances sont possibles en fonction
des spécificités des apprenants.
La seconde étape consiste à analyser la situation de la classe,
autrement dit, son profil en tenant compte des spécificités des élèves et des
objectifs poursuivis et définir les modes d’évaluation (essentiellement
formatifs). L’évaluation formative
continue[14]
permet à tout moment à un enseignant de savoir où en est chaque élève avec une
précision quasiment chirurgicale. A partir de ce moment, il lui est aisé de
choisir les méthodes pédagogiques et les outils adéquats à proposer aux élèves.
La (re)connaissance des besoins diversifiés des différents élèves de la
classe est une étape incontournable pour créer les conditions d’apprentissage
les plus favorables possibles à la réalisation des objectifs fixés plus haut. Cependant,
il ne faut jamais oublier que l’élève est un partenaire et non un assisté. Il
doit être informé des aménagements raisonnables qui sont mis en place pour lui
et le responsabiliser afin qu’il soit pleinement acteur de ses apprentissages.
Renzaglia, Karvonen, Drasgow et
Stoxen[15]
précisent que les pratiques inclusives doivent s’assurer de :
promouvoir chez
l’élève la prise de contrôle individuel sur sa propre vie ;
fournir des occasions
et la possibilité de faire des choix et
donner à l’élève le
pouvoir de défendre son choix. Il est indéniable qu’une bonne connaissance de
soi devient un atout essentiel dans le rôle que les élèves peuvent jouer au
long de leur processus d’apprentissage en contexte de pédagogie universelle.
La troisième étape consiste à mettre en œuvre la situation
d’apprentissage. Il s’agit de planifier les diverses situations
d’enseignement-apprentissage au regard des deux axes propres à la pédagogie universelle :
les interventions
pédagogiques prévues en fonction des points forts et difficultés des élèves de
la classe, mais aussi de leur intérêt et de leurs besoins ;
le contexte
d’apprentissage nécessaire à favoriser la réussite de tous.
La quatrième et dernière étape consiste à mettre en œuvre l’apprentissage
selon les principe de la CUA. C’est le moment, pour les élèves de se sentir
impliqués dans l’apprentissage et de pouvoir s’y investir pleinement.
L’enseignant doit alors évaluer avec précision la progression de chaque élève
en tenant compte de ses spécificités et, le cas échéant, apporter l’aide
adaptée à chacun.
La Conception
universelle d’apprentissage a des avantages pour tous les acteurs
L’universal design apporte des
bénéfices considérables à tous les acteurs, élèves comme enseignants[17]. Les
recherches empiriques menées aux Etats-Unis, berceau de l’universal design sont encourageantes. Elles
ont montré les divers avantages de la CUA, tant pour les étudiants que pour les
enseignants.
Bienfaits pour les élèves
Au niveau des enfants, McGuire-Schartz et Ardnt[18]
(2007) ont mis en évidence une progression évidente, une meilleure
accessibilité aux savoirs et une hausse de la motivation et de l’engagement.
Une recherche au niveau de la lecture, menée dans une école secondaire[19],
a montré une nette amélioration des performances des élèves qui présentaient
auparavant des difficultés. L’enseignant
qui participait à la recherche a modifié son regard sur ses élèves. Auparavant,
il attribuait l’échec de ses élèves à leur manque de préparation ou à des
aptitudes limitées. La mise en œuvre de la
pédagogie universelle lui a permis de prendre conscience de l’importance
des barrières à l’apprentissage qui empêchent la réussite de nombreux élèves.
Dans une autre recherche[20]
portant sur l’enseignement post-secondaire, les étudiants ont constaté que
leurs professeurs étaient plus enclins à présenter l’information dans des
formats différents après avoir suivi une formation, et procuraient plus
d’alternatives électroniques aux documents papier, ce qui leur permettait de
réaliser leurs travaux en ligne.
Dans des études portant sur les enseignements secondaire et primaire,
les perception d‘élèves allaient dans le même sens : ils étaient nombreux
à considérer que leurs professeurs utilisaient des approches personnalisées qui
favorisaient leur participation[21].
Sur le tutorat par les pairs, des chercheurs[22]
de Colombie-Britannique ont démontré que l’enseignement individuel ou en groupe
présente plus d’effets positifs sur l’apprentissage et la réussite de tous les
élèves, qu’ils présentent des situations de handicap ou non.
L’apprentissage coopératif favorise davantage l’apprentissage de tous
les élèves et augmente les aptitudes sociales et la communication des élèves,
notamment ceux qui sont en situation de handicap[23].
En conclusion, les élèves et étudiants interrogés dans le cadre des
recherches sur la Conception universelle
des apprentissages estiment que les professeurs formés à la CUA donnent des
cours de meilleure qualité, estimant que les stratégies mises en œuvre sont
autant d’outils leur facilitant les apprentissages, tant pour les élèves à
besoins particuliers que pour les autres, et adhèrent aux principes de la CUA[24].
Bienfaits pour les enseignants
Selon les recherches, la pédagogie
universelle aurait un impact positif sur leur changement de perception quant à la
réussite des élèves et à l’accès aux savoirs de ces derniers[25],
tout comme le repérage des besoins spécifiques des élèves[26].
De même, la CUA permettrait aux enseignants de mieux différencier les élèves
qui sont réellement à risques de ceux qui ne vivent que des difficultés
temporaires ou qui ont un curriculum problématique[27].
Le fait de l’importance accordée à la
planification de la pédagogie universelle, de la flexibilité laissée à la
compétence de l’enseignant dans les interventions et les ressources mises à
disposition des élèves, les accommodations mises en place avant même le début
des activités, la CUA contribuerait à
abaisser le stress des enseignants[28].
De même, les activités d’apprentissage devenant plus faciles pour les élèves
qui, de leur côté s’y investissent plus et mieux, rend les enseignants plus
enthousiastes pour proposer de telles manières de faire[29].
La technologie.
Même si tout ne repose pas sur elle, de
nombreuses écoles qui utilisent la CUA mettent des outils technologiques à
disposition de leurs élèves. L’intérêt de ceux-ci est qu’ils peuvent augmenter
l’accessibilité à certaines notions, voire tout simplement à certains documents
(pensons aux personnes malvoyantes ou malentendantes). La question des moyens
se posera à de nombreuses écoles. Il est évident que le budget informatique,
par exemple, est totalement insuffisant pour équiper tous les élèves. Mais
chaque classe peut avoir 3-4 ordinateurs qui sont à disposition des élèves.
Tout comme la CUA ne se met pas en place
du jour au lendemain – il faut se former et tester les outils pédagogiques
progressivement – les outils technologiques suivront naturellement le même
chemin. Il est important qu’ils soient implantés adéquatement au risque d’avoir
l’effet inverse de celui recherché et de devenir nuisibles. Avant de se lancer,
il est important que l’enseignant ou l’équipe pédagogique cherche à savoir les
avantages des multiples options technologiques et comment elles peuvent
maximiser les apprentissages. Cependant, il est important d’être très attentif
au choix de la technologie choisie. Toutes ne sont pas inclusives et peuvent
être révélatrices de handicaps à l’insu de l’enseignant. Par exemple un outil
qui lirait les textes mais ne lirait pas les images et les graphiques.
La liste d’outils technologiques possibles
que voici est loin d’être exhaustive : agendas ou dictionnaires
électroniques, calculatrices (graphiques, voire parlantes), correcteurs
orthographiques, écrans tactiles, enregistreurs numériques, horloges
numériques, livres audios ou numériques, outils de synthèse vocale et de
numérisation, prédicteurs de mots, systèmes de reconnaissance vocale, tableaux
blancs interactifs, projecteurs data, tablettes électroniques ou ordinateurs,
téléphones intelligents, baladeurs, ….
Il est important de réfléchir, dès la
conception, à leurs avantages en ayant en tête les forces des élèves et ce afin
de choisir les logiciels et applications les plus pertinents et les mieux
adaptés aux défis qu’ils seront amenés à affronter.
La Pédagogie universelle ne
pratique pas la sélection.
La pédagogie universelle est d’une grande
richesse tant pour les élèves que pour les enseignants. Ces derniers ne sont
plus seuls à enseigner mais tout le monde enseigne à tout le monde, en mode
coopératif. Il s’agit donc bien d’une classe coopérative. Dans ce cadre, la
compétition n’a pas sa place et il n’est plus question de classer et
sélectionner les élèves comme cela se fait dans l’enseignement
« traditionnel » frontal.
Le droit à l’erreur est dans les fondements mêmes d’une classe inclusive. Chaque élève est différent, apprend différemment, et parfois ne va pas aussi vite que les autres, ou tout simplement n’en a pas les mêmes capacités intellectuelles. Ce dernier doit rester dans la classe de son âge tout au long de sa scolarité, mais avec d’autres objectifs pédagogiques. Dans ces conditions, il est impossible de comparer les élèves entre eux et d’établir une hiérarchie de points dont le seul objectif est – et a toujours été – la sélection d’une « élite » et le rejet vers d’autres filières de ceux qui les serviront plus tard.
Les évaluations sanctions n’ont d’autre but que d’éjecter en dehors de la vie scolaire les élèves à besoins spéciaux, les plus faibles, les plus lents, ceux qui ont le plus besoin d’aides ou qui proviennent de milieux sociaux défavorisés. L’enseignement « traditionnel » n’est plus approprié à l’école d’aujourd’hui. Il ne l’a jamais été, d’ailleurs. Cet enseignement a toujours été en échec, incapable de transmettre tous les savoirs à tous les élèves en fonction de leurs spécificités et en faire des citoyens aptes à comprendre le monde et à vouloir le faire évoluer vers plus de justice. En ne leur montrant que ce qu’est l’injustice, il est évidemment difficile d’en faire de vrais citoyens.
L’école doit donc se trouver un nouveau
projet éducatif qui vise la réussite de tous et refuse la compétition et la
sélection. Chaque élève est unique et a un grand potentiel qui doit être
révélé. Et ce, même chez les enfants avec une déficience intellectuelle modérée
à sévère. A ce titre, la pédagogie universelle constitue un moyen pour arriver
à créer des écoles plus humaines.
En pédagogie universelle (comme dans toutes
les pédagogies nouvelles, d’ailleurs)
il n’y a pas cette sélection. Tout le monde est un génie, même s’il est
différent. Il y a du génie dans tout être humain et les enseignants en sont
convaincus. Laissons donc tomber ces vieilles habitudes de mettre des points et
évaluons exclusivement de manière formative. L’important n’est pas de savoir
qui a le mieux acquis un savoir, mais qui ne l’a pas encore suffisamment
acquis. C’est celui-là qu’il faut aider ! Et ne pas avancer plus vite que
ce que peuvent faire ceux qui ont le plus de difficutés. Avec l’aide des autres
élèves, par le tutorat, les progrès seront rapides.
La pédagogie universelle se marie
particulièrement bien avec d’autres pédagogies validées, notamment toutes
celles qui sont axées sur la coopération (sans être exhaustif, la plupart des
courants de la « pédagogie nouvelle » : L’école démocratique et
coopérative de Dewey, l’éducation fonctionnelle de Claparède, l’école de Maria Montessori,
L’école nouvelle et active de Ferrière, les pédagogies coopératives de Célestin
Freinet et de Fernand Oury, ou pédagogie institutionnelle. On peut en ajouter
d’autres comme la pédagogie active d’Ovide Decroly, par exemple). Ces dernières
sont les précurseurs de la pédagogie universelle, en ce sens que leur objectif
était bien de permettre à tous les élèves de progresser le plus loin possible
en fonction de leurs possibilités. Certaines de ces pédagogies ont été fondées
pour aider précisément les enfants à besoins particuliers, qu’ils aient un
handicap ou proviennent de milieux populaires.
[1] CAVENAGHI, U.,
SENÉCAL, I. Osons
l’école, Montréal
(Québec), Éditions Château d’encre, 2017
[2] KAME’ENUI, E.J., SIMMONS, D.C. Toward Successful Inclusion of Students
with Disabilities: The Architecture of Instruction. Reston, VA : ERIC/OSEP
Mini-Library, vol. 1, 1999.
[3] Reigeluth, C. M., & Keller, J. B. (2009). Understanding
Instruction. In C. M. Reigeluth & A. A. Carr-Chellman
(Eds.),
Instructional-Design Theories and Models (pp. 27-39). New York & London:
Routledge, Taylor and Francis Publishers Group.
[4] AUCOIN, A. et VIENNEAU, R. (2010). Inclusion scolaire et
dénormalisation. Dans Nadia Rousseau (dir.), La pédagogie de l’inclusion
scolaire : pistes d’action pour apprendre tous ensemble (p. 63-86). Québec :
Presses de l’Université du Québec.
[5] TOMLINSON, C. A., BRIGHTON, C., HERTBERG, H., CALLAHAN, C. M., MOON,
T. R., BRIMIJOIN, K. et al. (2003). Differentiating instruction in response to
student readiness, interest, and learning profile in academically diverse
classrooms: A review of literature. Journal for the Education of Gifted,
27(2-3)
[6] JACKSON, R., HARPER, K. et JACKSON, J. (2002). Effective Teaching
Practices and the Barriers Limiting Their Use in Accessing the Curriculum: A
Review of Recent Literature. National Center on Accessing the General
Curriculum (NCAC).
[7] ROSE, D. H. et MEYER, A. (2002). Teaching Every Student in the Digital
Age: Universal Design for Learning. Alexandria, VA : Association for
Supervision and Curriculum Development.
[8] Lev Vygotski, Pensée et Langage Terrains / Éditions Sociales, 1985
[9] JORGENSEN, C. M. et WEIR, C. (2002). Reflections on teaching. Equity
& Excellence in Higher Education Newsletter. [
[10] L Bergeron, N Rousseau, M Leclerc, La pédagogie universelle : au cœur
de la planification de l’inclusion scolaire, Association canadienne d’éducation
de langue française, 2011
[11] L Bergeron, N Rousseau, M Leclerc, La pédagogie universelle : au coeur
de la planification de l’inclusion scolaire, Association canadienne d’éducation
de langue française, 2011
[13] Lev Vygotski, Pensée et Langage Terrains / Éditions Sociales, 1985
[14] En CUA, comme dans toutes les pédagogies actives, on évalue
constamment les élèves de manière formative. Cela permet à l’enseignant de
savoir à tout moment qui sait quoi. L’objectif n’est jamais de sanctionner un
apprentissage mais de savoir ce qu’il faut mettre en place pour aider un élève
qui n’a pas atteint les objectifs fixés, puis à quel moment, on peut passer à
l’apprentissage suivant.
[15] RENZAGLIA, A., KARVONEN, M., DRASGOW, E. et STOXEN, C. (2003).
Promoting a Lifetime of Inclusion. Focus on Autism and Other Developmental
Disabilities, 18(3)
[16] Isabelle Senécal, Cathy Brazeau, Isabelle Quirion – La pédagogie
inclusive : conception universelle de l’apprentissage
[17] DALTON, B. et COYNE, P. (2002). Universally Designed Digital Picture
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[20] SCHELLY, C. L., DAVIES, P. L., & SPOONER, C. L. (2011). Student
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[21] ABELL, M.M., JUNG, E., & TAYLOR, M. (2011). Students’ perceptions
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[22] LOGAN, K.R., BAKEMAN, R., KEEFE, E.B. (1997). Effects of instructional
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[26] KORTERING, L. J., MCCLANNON, T. ET BRAZIEL, P. (2008). Universal
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[27] STRANGMAN, N. HITCHCOCK, C., HALL, T., MEO. G. ET COYNE, P. (2006).
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[28] BERGERON, L., ROUSSEAU, N. & LECLERC, M. (2011). La pédagogie
universelle : au coeur de la planification de l’inclusion scolaire. Éducation
et francophonie, 39(2)
[29] HARRIS, C. R., KAFF, M. S. et ANDERSON, M. J. (2007). Designing
flexible instruction. Principal Leadership, 7(9)
L’accueil des enfants « à besoins spécifiques », qu’ils soient porteurs de déficiences intellectuelles, voire physiques, ou de grandes difficultés d’apprentissage (ayant une ‘dys’) se heurte encore à un certain scepticisme de la part de nombreux professionnels de l’enseignement comme de parents d’enfants n’ayant aucune de ces difficultés. Pourtant, de nombreuses études en ont démontré les bienfaits[1]. Même s’ils en reconnaissent l’intention louable, les notions d’équité, de Droit, de démocratisation et d’intégration dans une société plus inclusive sont régulièrement remises en cause[2].
S’il y a parfois la peur irraisonnée d’un « nivellement par le bas », il faut bien avouer que les concepts d’intégration et d’inclusion sont encore très flous dans la société en général et a fortiori pour de nombreux professionnels qui confondent les deux notions. Si celles-ci se complètent dans une démarche éducative (on « intègre » un enfant dans une « école inclusive »), ce sont des notions bien différentes.
En français, le terme intégration est relativement bien compris (il vient du bas latin integratio, dérivé lui-même du latin integrare qui veut dire « recréer, réparer, remettre en état », la notion d’introduire un élément dans un ensemble date de 1919[3]).
Lorsqu’on
parle d’un processus qui concerne des êtres humains, le terme inclusion n’est guère utilisé en
français[4]. Il l’est, par contre dans les pays anglo-saxons,
souvent couplé à l’expression éducation
inclusive, reprise de plus en plus par les organismes internationaux
(Plaisance, Belmont, Vérillon, Schneider 2007). « Une des difficultés dans ce débat réside dans le fait
que cette expression, ainsi que celle d’intégration, n’ont pas exactement la
même signification dans les différents pays et que chacune d’elles est même
parfois utilisée dans plusieurs acceptions. Le terme d’inclusion et celui
d’éducation inclusive sont parfois assimilés, en France, à des pratiques
d’accueil qui se limiteraient à placer des élèves handicapés en milieuordinaire, sans aucune réflexion sur les conditions
nécessaires à cet accueil. En Angleterre, c’est plutôt sous le terme
d’intégration que l’on désigne cette seule présence physique, alors que le
terme d’inclusion implique une appartenance pleine et entière à la communauté
scolaire. En Italie, intégration est encore couramment utilisé, alors que la
politique éducative se place résolument dans la perspective de ce qu’on appelle
ailleurs école inclusive. De plus, dans des pays qui ont adopté la terminologie
de l’inclusion, comme l’Angleterre, certaines des pratiques continuent pourtant
à relever de l’intégration.En France, on
préfère parler d’école pour tous.[5] »
En Communauté française de Belgique, on utilise le terme intégration depuis que le Décret du 3 mars 2004 organisant l’enseignement spécialisé coordonne l’intégration des élèves dans l’enseignement ordinaire[6]. L’élève doit bénéficier d’aménagements raisonnables et reçoit quelques aides (transports gratuits, 4 périodes d’accompagnement par un enseignant de l’enseignement spécialisé et, si besoin, des aides matérielles de la part de Phare[7] ou de l’Aviq[8]). La problématique de l’intégration, est qu’elle ne concerne qu’un nombre restreint d’élèves et est complexe à mettre en œuvre. Il faut préalablement obtenir l’accord de deux écoles (l’école ‘ordinaire’ et l’école spécialisée) et de leurs deux CPMS[9]. Ensuite, les aides ne sont pas toujours suffisantes, voire adéquates. L’école attend de l’enfant qu’avec les aides qu’il reçoit, il puisse suivre au même rythme que les autres élèves. Il doit donc faire des efforts pour s’intégrer. Ce Décret a été un premier pas. Il a permis à des milliers d’enfants d’être scolarisés dans une école ‘ordinaire’ et non plus d’être relégués dans un enseignement ségrégué. Il reste, cependant, bien en deçà des aspirations légitimes des enfants handicapés et de leurs familles.
Des classes à
« visée inclusive » ont été créées dans quelques écoles primaires
volontaires au grand cœur, mais il s’agit en réalité de classes
« intégrées » où les élèves restent essentiellement entre eux. Ils ne
bénéficient malheureusement que de quelques heures par semaine d’apprentissages
avec les autres élèves mais, peuvent jouer avec eux durant les récréations ou
journées particulières (!)
La notion d’école inclusive repose sur un principe
éthique, celui du Droit tel qu’élaboré par la Communauté internationale dans
son ensemble (voir plus bas). Chaque enfant, quelle que soit sa spécificité, a
le droit de fréquenter l’école ‘ordinaire’. Cette dernière a le devoir
d’accueillir chaque enfant tout au long de sa scolarité.
L’école inclusive se distingue de l’école intégratrice dans le sens où elle ne se pose pas la question de savoir si l’enfant est « intégrable » ou s’il doit être orienté vers une structure ségréguée (enseignement spécialisé). Faire le choix de ce dernier type d’orientation reviendrait à se demander « quels élèves peuvent effectivement bénéficier de l’intégration et, par conséquent, quel dispositifs adopter : intégration à temps partiel ou non, classes ou unités spéciales, etc.[10] »
L’éducation
inclusive est une position éthique qui prend en compte chaque enfant, quelle
que soit sa spécificité, « demandant
que les écoles se transforment elles-mêmes en communautés scolaires où tous les
apprenants sont accueillis sur la base d’un droit égal.[11] »
L’école inclusive reconnaît la diversité et l’intègre. Le principe d’école inclusive ne concerne pas que les enfants avec un/des handicap·s. Elle concerne tous les élèves, quelles que soient leurs caractéristiques, individuelles (sociales, culturelles, de genre, intellectuelles, physiques, …) ; cela ne signifie nullement un nivellement des différences. Au contraire l’école inclusive a pour principe de reconnaître toutes les diversités. Elle accepte tout le monde et prend en compte toutes les différences. « Une école inclusive accueille tout le monde sans distinction. Cela signifie que la culture de l’école doit être telle que personne ne soit stigmatisé (…). Le curriculum et la pédagogie doivent prendre en compte la diversité.[12] »
Quelle est l’origine du Droit
à l’éducation inclusive ?
En 1990, à Jomtien
(Thaïlande), s’est tenue la Conférencemondiale sur l’éducation pour
tous (enfants et adultes). Il en est ressorti un appel à s’employer activement à identifier les
obstacles qui empêchent de nombreux apprenants d’accéder aux possibilités
d’éducation et à recenser les ressources nécessaires pour surmonter ces
obstacles[13]. Le combat pour une Ecole Pour Tous était lancé !
Il s’appuie sur le fait que l’éducation est un droit fondamental et le
fondement d’une société plus juste et plus équitable.
Ensuite, la
Conférence mondiale sur les besoins éducatifs spéciaux de 1994 à Salamanque
(Espagne) a donné un élan majeur au concept d’éducation inclusive. Elle a
conclu en affirmant que « Les
besoins éducatifs spéciaux – préoccupation commune aux pays du Nord et du Sud –
ne pourront être pris en compte isolément. Ils doivent faire partie d’une
stratégie éducative globale et, pour tout dire, de nouvelles politiques
économiques et sociales. Ils appellent une réforme majeure des écoles
ordinaires.[14] »
Ce système n’est
possible que si les écoles adoptent une démarche inclusive. Pour être plus
clair, elles doivent réussir (et non pas essayer)
à éduquer tous les enfants de leur communauté « les écoles ordinaires ayant [cette] orientation intégratrice
constituent le moyen le plus efficace de combattre les attitudes
discriminatoires, en créant des communautés accueillantes, en édifiant une
société intégratrice et en atteignant l’objectif de l’éducation pour tous ; en
outre, elles assurent efficacement l’éducation de la majorité des enfants et
accroissent le rendement et, en fin de compte, la rentabilité du système
éducatif.[15] ».
Ce concept a été
confirmé en 2000 à Dakar. Ce forum a déclaré que l’Education pour tous devait prendre en compte les besoins des pauvres
et des plus défavorisés, notamment des enfants qui travaillent, des populations
rurales et nomades éloignées, des minorités ethniques et linguistiques, des
enfants, jeunes et adultes victimes de conflits, souffrant du VIH et du sida,
de la faim et d’un mauvais état de santé, et de ceux qui sont handicapés ou ont
des besoins éducatifs spéciaux. Il a en outre appelé à porter une attention
particulière aux filles et aux femmes.
La notion d’école inclusive concerne donc bien
toutes les catégories de populations. Elle doit prendre en compte les besoins
de toutes et tous, jeunes et adultes, quelles que soient leurs spécificités
personnelles, grâce à une participation accrue à l’apprentissage, la vie sociale
et culturelle et vise une réduction du nombre de personnes exclues au sein même
du système éducatif. Il faut donc adapter les contenus, les approches
pédagogiques, voire encore les structures, afin de viser tous les enfants d’une
même tranche d’âge en ayant en tête le principe d’éducabilité[16]
(tout le monde peut apprendre).
Il y a plusieurs raisons qui justifient ce principe : La première est une justification éducative
: la nécessité, pour les écoles inclusives, d’éduquer tous les enfants ensemble
implique qu’elles doivent trouver des modes d’enseignement adaptés aux
différences de chacun d’eux et pouvant donc bénéficier à tous les enfants. La
deuxième est une justification sociale : les écoles inclusives peuvent changer
les attitudes face à la différence en éduquant tous les enfants ensemble et
constituer ainsi le fondement d’une société juste et non discriminatoire. La
troisième est une justification économique : il est moins coûteux de créer
et gérer des écoles qui éduquent tous les enfants ensemble que de mettre sur
pied un système complexe de différents types d’écoles spécialisées pour
différents groupes d’enfants.[17]
Enfin, la touche finale a été posée en 2006 par la Convention relative aux Droits des Personnes handicapées en son article 24 sur l’éducation[18]. Celui-ci impose l’école inclusive pour tous les enfants à tous les Etats signataires, et présente les éléments importants à prendre en compte pour garantir le libre accès à l’éducation inclusive pour toutes les personnes handicapées, sur base de l’égalité des chances avec les élèves ‘ordinaires’.
Définition
de l’école inclusive
Il existe de nombreuses définitions de ce qu’est un enseignement
inclusif dans une école inclusive. Nous vous proposons celle de Rousseau et
Prud’homme (2010, p. 10 ). Dans les pays de la francophonie, le Québec a une
longueur d’avance. L’école inclusive y est pensée depuis des décennies et nos
amis canadiens ont une expertise qui peut nous apporter énormément. Cette
définition reprend différents concepts pédagogiques, dynamiques et
sociaux.
L’école inclusive est celle
qui va au-delà de la normalisation. Elle se donne comme mission d’assurer le
plein développement du potentiel de chacun de ses élèves. Pour ce faire,
l’école mise sur chacun des acteurs proximaux qui gravitent entre ses murs et
sur les acteurs distaux qui y sont les bienvenus. Dans cette école,
l’expression « plein potentiel » ne se limite pas au potentiel scolaire, mais
comprend aussi toutes les formes d’expressions de l’intellect. Ainsi, elle se
caractérise par la capacité d’innover, de se remettre en question et par
l’utilisation d’une panoplie de stratégies qui ne visent pas à faire
disparaître la différence, mais bien à l’apprivoiser. Elle est dynamique et
mise sur l’expertise de chacun de ses acteurs. L’école inclusive est tout le
contraire d’une école statique où toutes les règles de fonctionnement, les
rôles et les registres de réussite sont immuables. L’école inclusive est aussi
l’antithèse d’une école où l’on tente de faire d’une personne ayant des défis
particuliers une personne comme les autres[19].
L’école
inclusive est une école exigeante
Comme on le voit, l’école inclusive est très exigeante et ne peut se réaliser sans conditions. Sa différence fondamentale avec l’intégration (ou l’école intégratrice) est que les conditions de sa mise en œuvre sont totalement différentes.
Dans une démarche intégratrice, c’est sur les enfants que repose l’effort d’adaptation à l’école et à ses normes de fonctionnement[20]. On a vu que des aides individuelles pouvaient être mises en place afin d’aider ces enfants à suivre l’enseignement ‘ordinaire’ et donc de s’intégrer (s’adapter).
Dans un enseignement inclusif, c’est prioritairement l’école qui adapte
ses pratiques d’accueil et d’enseignement afin de pouvoir accueillir
« naturellement » la diversité des élèves.
L’intégration repose ainsi plutôt sur une conception individualisante
(et déficitaire) du handicap, celui-ci étant lié aux manques du sujet, que l’on
tente de compenser ou réparer. Au contraire, la notion d’école inclusive prend
en compte la dimension sociale du handicap, entendu comme une entrave à la
participation, résultant de l’interaction entre des caractéristiques
individuelles et les exigences du milieu. Elle met l’accent sur le
fonctionnement scolaire et sur les conditions pédagogiques à instaurer pour
réduire les obstacles aux apprentissages[21].
L’école inclusive implique donc l’intégration
d’une grande diversité d’élèves. Cela ne simplifie pas la tâche des enseignants
et il n’est pas étonnant que certains ne se sentent pas outillés et soient
perdus face à une (ou des) classe(s) réellement inclusives. Cela explique
pourquoi certains professeurs conçoivent l’école inclusive comme une
« véritable utopie »[22].
La mise en place de pratiques répondant à cette diversité est fondamentale pour la réussite d’une école inclusive. Les termes « école inclusive » sont souvent galvaudés. On le voit en Belgique avec le concept d’écoles à visée inclusive (voir ci-dessus) qui ne permet pas à tous les enfants d’apprendre ensemble. Il y a aussi des écoles qui ne font « que » de l’intégration et qui se disent inclusives. L’école inclusive ne se limite pas à de la simple intégration dans une classe ordinaire. Elle met en place des pratiques pédagogiques adaptées (lire notre prochain article sur la pédagogie universelle – octobre 2020) et ne demande pas à l’enfant de faire des efforts pour s’intégrer.
L’école inclusive ne réinvente pas la pédagogie. Elle se met en
réflexion constante sur ce qui est le plus adapté à la diversité des élèves
qu’elle accueille. Elle adapte ses fonctionnements (classe, école, temps
libres, …) avec pour seule préoccupation de permettre à toutes et tous les
élèves d’évoluer et d’acquérir les apprentissages scolaires et sociétaux en
fonction de leurs facilités ou de leurs difficultés.
Devenir une école (ou une classe) inclusive, si c’est un choix éthique, est un défi pour lequel peu de professionnels de l’enseignement sont préparés. Les pratiques pédagogiques doivent être adaptées afin de répondre au challenge que l’on s’est fixé. Dans notre prochain dossier, nous vous proposerons quelques pistes susceptibles d’aider les enseignants à se lancer dans ce défi.
A suivre, notre dossier sur la pédagogie universelle (mi-octobre 2020). La pédagogie universelle[23] (ou CUA : conception universelle de l’apprentissage) est au cœur de l’école inclusive.
La pédagogie universelle[23] (ou CUA : conception universelle de l’apprentissage) est au cœur de l’école inclusive.
[1] KATZ, J. et MIRENDA, P. (2002b). Including students with developmental
disabilities in general education classrooms: Social benefits. International
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UNESCO
(1994). The Salamanca Statement and Framework for Action on Special Needs
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[2] DUCHARME, D. (2008). L’inclusion en classe ordinaire des élèves à
besoins éducatifs particuliers. Montréal : Éditions Marcel Didier.
[3] « introduire un élément dans un ensemble » (Barrès, loc. cit.). Empr.
au lat.integrare « réparer, remettre en état, renouveler, recréer, refaire »,
dér. de integer (intègre*), 1919.
[4] Sauf au Québec où la proximité avec la langue anglaise permet de mieux
comprendre le concept anglophone d’inclusion.
[5] Éric Plaisance, Brigitte Belmont, Aliette
Vérillon, Cornelia Schneider, Intégration ou inclusion ? Éléments pour
contribuer au débat in La nouvelle
revue de l’adaptation et de la scolarisation – no 37 • 1er trimestre 2007
[6] Décret du 3 mars 2004, article 132 : « Par intégration permanente totale, il faut entendre que l’élève
suit tous les cours pendant toute l’année scolaire dans l’enseignement
ordinaire, tout en bénéficiant, en fonction de ses besoins, de la gratuité des
transports entre son domicile et l’établissement d’enseignement ordinaire qu’il
fréquente et d’un accompagnement assuré par l’enseignement spécialisé. Pour
chaque élève visé à l’alinéa précédent, des périodes d’accompagnement par du
personnel de l’enseignement spécialisé sont ajoutées au capital-périodes de
l’établissement d’enseignement spécialisé dont relève le personnel
d’accompagnement. Ce personnel d’accompagnement est choisi en tenant compte de
la spécificité des types et des besoins de l’enfant tels que définis à
l’article 7. ». Il y a 4 types d’intégration (Pour plus de détails,
voir les articles 130 à 158).
[7] Le Service PHARE apporte information, conseils et interventions
financières aux personnes handicapées en Région bruxelloise.
[8] L’AViQ est un organisme d’intérêt public (OIP) autonome gérant les
compétences de la santé, du bien-être, de l’accompagnement des personnes âgées,
du handicap et des allocations familales.
[9] Un Centre Psycho Médico-Social est un lieu d’accueil, d’écoute et de
dialogue où le jeune et/ou sa famille peuvent aborder les questions qui les
préoccupent en matière de scolarité, d’éducation, de vie familiale et sociale,
de santé, d’orientation scolaire et professionnelle, …. Le Centre PMS est à la
disposition des élèves et de leurs parents, dès l’entrée dans l’enseignement
maternel et jusqu’à la fin de l’enseignement secondaire.
[10] Plaisance (É.) et al., Petite enfance et handicap. La prise en charge
des enfants handicapés dans les équipements collectifs de la petite enfance,
Caisse nationale des allocations familiales, Paris, Dossiers d’études, n° 66,
2005.
[11] Armstrong (F.), « Curricula, ‘Management’ and Special and Inclusive
Education », In P. Cloug, Managing Inclusive Education : from Policy to
Experience, Paul Chapman, London, 1998
[12] Armstrong (F.), Barton (L.), « Besoins éducatifs particuliers et
‘inclusive education’», In B. Belmont, A. Vérillon, 2003
[13] Unesco, Principes directeurs pour l’inclusion dans l’éducation, 2009
[14] UNESCO 7-10 juin 1994 : Déclaration de Salamanque
[15] UNESCO 7-10 juin 1994 : Déclaration de Salamanque
[17] Unesco, Principes directeurs pour l’inclusion dans l’éducation, 2009
[18] CIDPH, ONU 2006, Article 24 : 1. Les États Parties reconnaissent
le droit des personnes handicapées à l’éducation. En vue d’assurer l’exercice
de ce droit sans discrimination et sur la base de l’égalité des chances, les
États Parties font en sorte que le système éducatif pourvoie à l’insertion
scolaire à tous les niveaux et offre, tout au long de la vie, des possibilités
d’éducation qui visent :
a) Le plein
épanouissement du potentiel humain et du sentiment de dignité et d’estime de
soi, ainsi que le renforcement du respect des droits de l’homme, des libertés
fondamentales et de la diversité humaine ;
b)
L’épanouissement de la personnalité des personnes handicapées, de leurs talents
et de leur créativité ainsi que de leurs aptitudes mentales et physiques, dans
toute la mesure de leurs potentialités ;
c) La
participation effective des personnes handicapées à une société libre.
2. Aux fins
de l’exercice de ce droit, les États Parties veillent à ce que :
a) Les
personnes handicapées ne soient pas exclues, sur le fondement de leur handicap,
du système d’enseignement général et à ce que les enfants handicapés ne soient
pas exclus, sur le fondement de leur
handicap, de
l’enseignement primaire gratuit et obligatoire ou de l’enseignement secondaire
;
b) Les
personnes handicapées puissent, sur la base de l’égalité avec les autres, avoir
accès, dans les communautés où elles vivent, à un enseignement primaire
inclusif, de qualité et gratuit, et à l’enseignement
secondaire ;
c) Il soit
procédé à des aménagements raisonnables en fonction des besoins de chacun ;
d) Les
personnes handicapées bénéficient, au sein du système d’enseignement général,
de l’accompagnement nécessaire pour faciliter leur éducation effective ;
e) Des
mesures d’accompagnement individualisé efficaces soient prises dans des
environnements qui optimisent le progrès scolaire et la socialisation,
conformément à l’objectif de pleine intégration.
3. Les États
Parties donnent aux personnes handicapées la possibilité d’acquérir les
compétences pratiques et sociales nécessaires de façon à faciliter leur pleine
et égale participation au système d’enseignement et à
la vie de la
communauté. À cette fin, les États Parties prennent des mesures appropriées,
notamment :
a) Facilitent
l’apprentissage du braille, de l’écriture adaptée et des modes, moyens et
formes de communication améliorée et alternative, le développement des
capacités d’orientation et de la mobilité, ainsi que le soutien par les pairs
et le mentorat ;
b) Facilitent
l’apprentissage de la langue des signes et la promotion de l’identité
linguistique des personnes sourdes ;
c) Veillent à
ce que les personnes aveugles, sourdes ou sourdes et aveugles – en particulier
les enfants – reçoivent un enseignement dispensé dans la langue et par le biais
des modes et moyens de communication qui conviennent le mieux à chacun, et ce,
dans des environnements qui optimisent le progrès scolaire et la
sociabilisation.
4. Afin de
faciliter l’exercice de ce droit, les États Parties prennent des mesures
appropriées pour employer des enseignants, y compris des enseignants
handicapés, qui ont une qualification en langue des signes ou en braille et
pour former les cadres et personnels éducatifs à tous les niveaux. Cette
formation comprend la sensibilisation
aux handicaps et l’utilisation des modes, moyens et formes de communication
améliorée et
alternative
et des techniques et matériels pédagogiques adaptés aux personnes handicapées.
5. Les États
Parties veillent à ce que les personnes handicapées puissent avoir accès, sans
discrimination et sur la base de l’égalité avec les autres, à l’enseignement
tertiaire général, à la formation professionnelle, à
l’enseignement
pour adultes et à la formation continue. À cette fin, ils veillent à ce que des
aménagements raisonnables soient apportés en faveur des personnes handicapées.
[19] ROUSSEAU, N. et PRUD’HOMME, L. (2010). C’est mon école à moi aussi…
Caractéristiques essentielles de l’école inclusive. Dans La pédagogie de
l’inclusion scolaire : pistes d’action pour apprendre tous ensemble (p. 9-46).
Québec : Presses de l’Université du Québec.
[20] Éric Plaisance, Brigitte Belmont, Aliette Vérillon, Cornelia
Schneider, Intégration ou inclusion ? Éléments pour contribuer au débat in La
nouvelle revue de l’adaptation et de la scolarisation – no 37 • 1er trimestre
2007
[21] BOUTIN, G. et BESSETTE, L. (2009). Inclusion ou illusion? Élèves en
difficulté en classe ordinaire : défis, limites, modalités. Montréal : Éditions
Nouvelles
[22] BOUTIN, G. et BESSETTE, L. (2009). Inclusion ou illusion? Élèves en
difficulté en classe ordinaire : défis, limites, modalités. Montréal : Éditions
Nouvelles.
1. Quel doit être le rôle de l’école dans la lutte contre les LGBT-phobies ?
Réalités de la société d’aujourd’hui
« Dans
notre société, les LGBT-phobies sont en progression. Il n’est pas une semaine
où les réseaux sociaux ne relaient des agressions homophobes. La plupart des
agressions homophobes sont le fait de jeunes gens. Ces jeunes ne sont pas
sorti·e·s du système scolaire depuis des décennies, mais visiblement, et quelqu’ait
été leur parcours, ils/elles n’ont pas reçu toute l’éducation nécessaire pour
déconstruire leurs croyances ou l’éducation homophobe qu’ils/elles ont reçue,
qu’elle soit familiale, sociale, culturelle ou philosophique. On ne naît pas homophobe, on le devient !Seule l’école est en position de
lutter contre les représentations homophobes auxquelles ces jeunes ont été
confronté·e·s et qu’ils/elles ont intégrées.
C’est
parce que nous voulons une société inclusive, qui permette à tout être humain
d’être pleinement intégré à la société, quelles que soient les différences
sociales, physique, intellectuelles, de genre ou sexuelles, que nous voulons
aussi une école inclusive, qui éduque les futur·e·s citoyen·ne·s à être les
fondateurs et fondatrices de cette société inclusive, et pour participer
activement à sa transformation vers plus de justice. En luttant contre
l’homophobie, on lutte aussi contre tous les racismes et toutes les
discriminations qui minent les relations sociales de notre société [1]».
Ce constat,
nous l’établissions lors d’une conférence de presse le 21
novembre 2018, dans le cadre de la Journée internationale des Droits de
l’Enfant.
Réalités de l’école d’aujourd’hui
Aujourd’hui, les familles sont multiples. La famille
« traditionnelle » s’est transformée et présente de multiples
visages, tous aussi différents – mais intéressants – les uns que les autres.
L’école est donc confrontée à une réalité à laquelle elle ne s’est jamais
vraiment préparée. Pour la doxa[2]
scolaire, la famille idéale est toujours celle où le père gagne le pain du
ménage et où la maman ne travaille pas et s’occupe des devoirs des enfants
après l’école. Bref, une famille d’un autre âge.
Aujourd’hui, les enseignant·e·s sont confronté·e·s à des élèves qui
vivent dans des familles monoparentales, recomposées, adoptives, hétéroparentales,
homoparentales, riches, pauvres, désinvesties ou surinvesties, de cultures
différentes. Qu’elles/ils soient issu·e·s de l’une ou de l’autre de ces
familles, tou·te·s les enfants peuvent se sentir marginalisé·e·s et souffrir.
Dans chacune de ces catégories vivent des enfants, des jeunes qui se vivent différent·e·s, parce que le genre ou l’orientation sexuelle qui leur ont été assignés à la naissance ne correspondent pas à leur ressenti, à ce qu’ils/elles sont profondément. Toutes les écoles, sans la moindre exception accueillent des enfants qui sont concerné·e·s par les LGBT-phobies. Et ce chiffre est, sans doute en-deçà de la réalité. Par exemple, on estime à environ deux élèves par classe le nombre d’enfants concerné·e·s par le simple fait d’avoir un·e parent·e homosexuel·le[3], sans l’être pour autant elles/eux-mêmes. On estime qu’ils représentent, dans l’ensemble, au moins 10% de la population scolaire[4]. Chaque enseignant·e peut ainsi estimer facilement le nombre des élèves dont il ou elle a la charge, qui sont concerné·e·s et ainsi mettre en place les outils de formation et de prévention indispensables (voir plus bas[5]).
Pourquoi demander au écoles de combattre les
homophobies et transphobies ?
Comme le souligne l’UNESCO, « le harcèlement homophobe est un
problème éducatif qui doit être traité par le secteur de l’éducation ». Il viole le droit à l’éducation de tous et
compromet les résultats éducatifs. Il remet en cause le droit au respect au
sein de l’environnement scolaire : égale dignité de tous les enfants, respect
de leur identité, de leur intégrité, de leur droits de participation et
protection contre les toutes les formes de violence.[6]
Après la fin de leur école secondaire, de nombreux·ses jeunes gays,
lesbiennes ou transgenres affirment que l’école a été, pour eux, un lieu de
grande souffrance. Souvent ces jeunes ont été témoin de violences homophobes.
Parfois, ils en ont été les premières victimes. Le harcèlement les
intimidations, les coups, voire les viols sont le plus souvent inconnus des
enseignant·e·s car cela se fait dans des lieux où les professionnels ne vont
pas nécessairement souvent (vestiaires, toilettes, coins de cours de
récréation, transport scolaire, …), hors et pendant les heures de classes. Parfois
aussi au sein de la classe par des réflexions ou des insultes homophobes.
Ces jeunes ont dû, la plupart du temps, vivre leur orientation sexuelle
de manière cachée, dans la honte et la peur d’être découvert·e·s. De ce fait,
ces jeunes ne réclament pas d’aide. Ils et elles ont peur de la réaction des
adultes, peur d’être dénoncé·e·s à leurs parents, à l’ensemble des professeurs,
…
Ces jeunes ne bénéficient dès lors pas du soutien qu’ils méritent et
d’un environnement apaisé, c’est-à-dire sensibilisé depuis le plus jeune âge et
accueillant pour les différentes orientations sexuelles.
Enfin, le contexte scolaire est l’un des principaux lieux qui permet aux jeunes l’intégration sociale et l’apprentissage de la vie en société. C’est un milieu riche qui décèle de grands potentiels dans de nombreux domaines, dont l’éducation à la diversité. A cette fin, Les enfants doivent pouvoir bénéficier, dès le plus jeune âge, de l’apprentissage du vivre ensemble dans notre société. Ces lieux, que sont les écoles, sont des espaces d’émancipation individuelle mais également collective. On y parle trop « disciplines », c’est-à-dire « matières traditionnelles » et trop peu émancipation. Pourtant, le Droit international ne parle pas de droit à aller à l’école, mais de droit à l’éducation[7].
Aussi, chaque enseignant·e[8] qui
vise à devenir inclusif (même de mathématique, de physique, de langues, …) est
avant tout une éducateur/trice. Elle/il se donne pour mission d’éduquer et
d’émanciper les élèves. Malheureusement, trop souvent, ceux-ci ne reçoivent pas
les informations sur les orientations sexuelles et on ne les sensibilise que
trop peu au respect de toutes les différences, car l’école elle-même a des
difficultés avec ces notions. L’homosexualité et les orientations sexuelles
minoritaires restent un sujet tabou dans les classes, que l’on confie à des
intervenant·e·s externes qui interviendront une ou deux fois durant la
scolarité, alors que l’éducation au vivre ensemble et à l’acceptation de toutes
les différences sexuelles et autres doit être faite au quotidien.
Chaque école est responsable de cette sensibilisation. Mieux que cela, de cette éducation ! Chacune d’entre elle, de la maternelle à la fin du cycle secondaire (et nous n’abordons même pas l’enseignement supérieur qui est plus que concerné) se doit d’entreprendre des actions concrètes, non seulement en terme de prévention – et donc d’assurer un climat de sécurité et de protection tant des élèves que des adultes – mais également qui permettent le développement personnel des jeunes, quelles que soient leurs différences.
Le travail de prévention permet d’éviter que des élèves subissent, à un âge où à un autre, des agressions homophobes ou transphobes, ou vivent mal leur scolarité dans un climat de peur impropre à quelque apprentissage qui soit. Ce qui vaut pour les élèves peut également valoir pour les adultes. Il ne faut pas oublier qu’environ 10% d’entre eux sont également concerné·e·s par les LGBT-phobies. Ils ont besoin du soutien de toute la communauté enseignante.
Il y a donc lieu de mobiliser tout le monde, depuis le Pouvoir organisateur jusqu’aux jeunes, en passant par les directions, les membres du personnel enseignant, ouvrier et administratif. Sans oublier les parents qui, pour certains, peuvent venir en soutien de ces projets.
« Mais ne va-t-on pas nous accuser de
prosélytisme ? »
Un certain nombre de parents, même parmi
les plus ouverts, émettent des réserves lorsqu’on envisage de parler
d’homosexualité à des élèves d’école maternelle ou primaire. Il en va de même
dans le milieu enseignant. Pour certain·e·s, de ces personnes, l’homosexualité
reste un tabou, une peur qu’ils pensaient profondément enfouie, mais qui se
révèle ne l’être pas autant que cela. Pour certaines personnes au sein de notre
société, les relations hétérosexuelles et les relations homosexuelles ne sont
pas équivalentes.
Trop souvent encore, des enseignant·e·s
ont des réticences à prononcer même les mots « homophobie » ou
« homosexualité » par crainte des réactions de leurs collègues, de
certains élèves et de leurs familles. Il y a un « tabou » qui empêche
l’utilisation de ces mots et les place sous une chape de plomb.
Tabou qui n’a plus de raison d’être puisque, depuis juin 2012, en Fédération Wallonie-Bruxelles, l’Education à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle (EVRAS) a été reconnue officiellement par Décret comme une des missions de l’école. On ne peut donc parler de prosélytisme si l’école remplit une de ses missions. L’Education à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle commence en maternelle et continue tout au long des 15 années d’école obligatoire[9]. On y aborde de manière adaptée à l’âge des enfants, tous les sujets qui touchent la vie affective et la vie sexuelle. Sous tous leurs angles ! Donc dès lors aussi celui des différentes orientations sexuelles et ce, pendant 15 ans. Même les professeur·e·s homophobes – il y en a sans doute peu, mais il y en a – sont tenu·e·s de respecter la Loi et donc d’éduquer leurs élèves à lutter contre l’homophobie et la transphobie. Cela ne peut que faire du bien intellectuel à ces soit-disant professionnel·le·s, car ils/elles sont déficitaires en ce domaine.
Concernant les parents qui ne voudraient pas que l’on parle d’homosexualité à leur enfant, nous conseillons aux écoles de mettre clairement ce point dans leur projet d’établissement (ou dans le projet pédagogique), auquel les parents doivent adhérer chaque année. En cas de plainte de leur part, il suffira de leur montrer qu’ils ont marqué leur accord en début d’année. Cependant, on peut leur expliquer que c’est dans l’intérêt de leur enfant de recevoir une information sur ce sujet. Si le/la jeune est d’orientation homosexuelle ou bisexuelle, elle/il pourra directement bénéficier de cette information et construire son identité en harmonie avec son entourage. Si l’enfant est d’orientation majoritairement hétérosexuelle, l’information sur le sujet ne peut qu’éclairer son jugement et lui apprendre à respecter les personnes lesbiennes, gays ou bisexuel·le·s.
En abordant l’Evras et, plus spécialement les différentes orientations sexuelle, on diffuse un message de tolérance, d’accueil de l’autre dans toutes ses réalités, on apprend aux élèves à respecter les différences. Il est important de combattre les idées fausses, démystifier l’homosexualité (chacun·e a sa propre orientation sexuelle, on ne devient pas homosexuel en fréquentant des copains ou copines qui le sont, pas plus qu’on ne le devient en vivant dans une famille homoparentale[10]). Il faut également rappeler le Droit : les discriminations ou actes homophobes, lesbophobes, transphobes sont interdits et punissables[11]. Enfin, cela permet d’expliquer aux élèves qu’ils et elles doivent être empathiques, venir en aide aux victimes de la violence, et dénoncer les agresseur·e·s, fût-ce-t-ils des adultes de l’école.
[1] Jean-Pierre
Coenen, Ligue des Droits de l’Enfant 21 novembre 2018, Appel
aux écoles : Devenez des Ecoles pour Tou·te·s !
[2] En philosophie, la
doxa est l’ensemble — plus ou moins homogène — d’opinions (confuses ou
pertinentes), de préjugés populaires ou singuliers, de présuppositions
généralement admises et évaluées positivement ou négativement, sur lesquelles
se fonde toute forme de communication ; sauf, par principe, celles qui tendent
précisément à s’en éloigner, telles que les communications scientifiques et
tout particulièrement le langage mathématique
(https://fr.wikipedia.org/wiki/Doxa).
[3] Rapport
de Michel Teychenné, France juin 2013 : « Selon Maks Banens, démographe, auteur avec Eric Le Penven d’une étude
de l’Institut national d’études démographiques (INED) sur l’homoparentalité en
France, le chiffre de 200 à 300 000 enfants ayant un parent homosexuel est tout
à fait plausible. Beaucoup de ces enfants sont nés d’une précédente union
hétérosexuelle. Il convient également de ne pas oublier les situations de
transparentalité, moins nombreuses, mais
qui existent et nécessitent d’être prises en compte. Conclusion : en moyenne,
au moins deux élèves par classe sont concernés ».
[4] De nombreux pays les
pays qui ont étudié depuis longtemps la population concernée par sphère
LGBTQI+, comme la Belgique, la Suède, les États-Unis ou le Canada. Suite à ces
études, le pourcentage couramment admis, qui inclut les sous-déclarations dues
à la peur de l’homophobie et repose sur une approche plus précise de la
bisexualité est de 10 %. Il suffit de diviser la population de sa classe pour savoir
combien d’élèves sont concernés.
[5] Dans
une école inclusive, ces outils et ces formations sont réfléchies et mises en
place par l’ensemble de l’équipe pédagogique. Quand on est seul·e dans sa
classe, il existe des outils disponibles sur Internet via le site www.liguedroitsenfant.be/ecolepourtoutes/ ou d’autres sites
spécialisés.
[6] Booklet 8/Education
Sector : Response to homophobic Bullying – UNESCO – 2012.
[7] Convention internationale des Droits de l’Enfant 20 novembre
1989, Art 28 « Les États parties reconnaissent le droit de l’enfant à
l’éducation, et en particulier, en vue d’assurer l’exercice de ce droit
progressivement et sur la base de l’égalité des chances (…) ». Même si l’institution que les Etats charge de faire
respecter ce Droit sont les écoles, le texte ne cite pas une seule fois le mot
école. Il s’agit donc bien de droit à l’éducation qui « doit viser à :
a) favoriser
l’épanouissement de la personnalité de l’enfant et le développement de ses dons
et de ses aptitudes mentales et physiques, dans toute la mesure de leurs
potentialités ;
b) inculquer à
l’enfant le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et des
principes consacrés dans la Charte des Nations unies ;
c) inculquer à
l’enfant le respect de ses parents, de son identité, de sa langue et de ses
valeurs culturelles, ainsi que le respect des valeurs nationales du pays dans
lequel il vit, du pays duquel il peut être originaire et des civilisations
différentes de la sienne ;
d) préparer
l’enfant à assumer les responsabilités de la vie dans une société libre, dans
un esprit de compréhension, de paix, de tolérance, d’égalité entre les sexes et
d’amitié entre tous les peuples et groupes ethniques, nationaux et religieux,
et avec les personnes d’origine autochtone ;
e) inculquer à
l’enfant le respect du milieu naturel. »
[8] Nous
partons du principe que l’enseignant·e inclusif·ve s’est progressivement formé·e
à l’accueil de toutes et tous les élèves quelles que soient leurs différences
et difficultés scolaires ou de vie. Elle ou il est capable de transmettre tous
les savoirs à tou·te·s les élèves. Il ou elle ne pratique pas la sélection et
donc, n’a pas d’échecs scolaires.
[9] En
Belgique l’école commence à 2,5 ans et se termine à 18 ans (dans le meilleur
des cas), mais elle n’est obligatoire que de 5 à 18 ans.
[10] DORAIS
Michel, Mort ou fif, la face cachée du suicide chez les garçons, Éditions VLB,
2000. Le professeur Michel Dorais constate aussi une tendance à la baisse de
l’âge de découverte de son homosexualité chez les jeunes LGBT : le plus souvent
entre 12 et 15 ans. Michel Dorais précise les conditions de cette prise de
conscience : « La découverte de son attirance envers les personnes du même sexe
est plutôt une évolution qu’un événement soudain. Graduellement, au cours de
l’enfance ou de l’adolescence, le jeune garçon ou la jeune fille s’aperçoit
qu’il ou elle ne réagit pas en son for intérieur comme la majorité de ses
congénères. L’émoi que ses compagnons ou compagnes expriment devant les
personnes de l’autre sexe, c’est plutôt (ou en plus, pour les jeunes bisexuel
le s) à l’endroit de personne du même sexe qu’il ou elle l’expérimente. Au
début, il n’y a pas forcement de mot ou d’étiquette à placer dessus. Seulement
une impression d’étrangeté. C’est le plus souvent à travers la pression sociale
au conformisme que prend forme dans la tête de l’enfant ou de l’adolescent la
constatation suivante : il se pourrait que je sois différent-e de ce que l’on
attend de moi… »