Déc 30, 2020 | Pauvreté, Santé & environnement, Société
Le commerce est appelé équitable
lorsqu’il ne lèse personne, producteur, acheteur, vendeur, client et environnement.
Il s’agit d’un échange économique qui respecte les intérêts des producteurs
mais également de tous les acteurs de la chaine et l’avenir de leurs enfants. Les
organisations du commerce équitable, regroupées internationalement au sein de
FINE[1]
ont adopté une définition commune du commerce équitable en 2001 : « Le Commerce Equitable est un partenariat
commercial, fondé sur le dialogue, la transparence et le respect, dont
l’objectif est de parvenir à une plus grande équité dans le commerce mondial.
Il contribue au développement durable en offrant de meilleures conditions
commerciales et en garantissant les droits des producteurs et des travailleurs
marginalisés, tout particulièrement au Sud. »
Le principe fondateur du commerce
équitable est donc de donner la garantie aux petits producteurs de
commercialiser leurs produits à des prix qui leur permettent de couvrir les
coûts de production en encourageant le développement durable aussi bien sur un
plan social qu’environnemental. De cette manière, ils sont également à l’abri
des soubresauts du marché et connaissent une certaine stabilité des prix, ainsi
que des conditions avantageuses de paiement. Il n’est pas rare non plus de
profiter de préfinancement, afin d’éviter à ces producteurs/artisans de brader le
prix de leurs produits ou de les obliger à recourir à un prêt bancaire à un
taux très élevé.
Le commerce équitable combat le travail des enfants
Un des objectif du commerce
équitable est de permettre aux familles d’avoir des revenus suffisants pour vivre
sans être contraintes de faire travailler leurs enfants, mais également en leur
permettant d’avoir accès à l’enseignement. Ces familles reçoivent un prix
minium qui leur est garanti (elles reçoivent même des primes de développement)
et peuvent engager une main d’œuvre adulte pour les aider à la production. Les
primes de développement versées aux coopératives leur permettent de financer
des projets sociaux (création d’écoles, de dispensaires, …)
Les organisations qui importent
les produits équitables se sont engagées à soutenir les coopératives du Sud à
lutter de manière efficace et durable contre les pires formes de travail des
enfants. En Afrique de l’Ouest,
particulièrement dans le secteur du cacao où les pires (formes) de travail des enfants sévissent de manière
extrêmement préoccupante, ces partenaires de commerce équitable redoublent d’efforts
pour les combattre en s’attaquant aux principales causes du problème :
l’extrême pauvreté, l’inexistence
d’opportunités économiques et le manque d’éducation.[2].
Le mouvement Fairtrade/Max
Havelaar interdit catégoriquement le
travail des enfants dans ses cahiers des charges. Il met également en place des
programmes de prévention sur le terrain, en partenariat avec des ONG
spécialisées. L’objectif : garantir le respect des droits des enfants et leur
vie au sein d’environnements sûrs et protecteurs[3].
Pour Artisans du Monde, « au -delà du
refus du travail
des enfants expressément
stipulé dans ses
textes, les organisations
partenaires du commerce équitable s’attaquent directement à la
principale cause du travail des enfants c’est-à-dire la pauvreté. Le commerce
équitable repose sur une relation de partenariat stable, négociée et durable
avec des organisations
de producteurs et productrices.
Ces organisations jouent
un rôle important dans la détermination des
programmes de lutte contre ces pratiques. En plus d’un contrôle, les
organisations développent avec les producteurs et productrices des activités de
sensibilisation, de formations et d’accès à l’éducation. [4]»
Le label Ecocert Fair Trade garantit
de bonnes conditions de travail pour l’agriculteur et comprend également une
série de critères écologiques. Il offre également un soutien financier à
l’agriculteur et sa communauté, permettant aux familles de scolariser leurs
enfants.
Oxfam a une approche sans doute
plus pragmatique, le monde ne s’étant pas fait en un jour : Face au travail des enfants, le dialogue et
le respect s’imposent entre les organisations du commerce équitable et leurs
partenaires. Dans un environnement historique, socio-économique et culturel
différent, le travail des enfants, en effet, est souvent perçu comme un
excellent moyen pour les sortir de la précarité et de l’exclusion. Rien
d’étonnant donc à ce que certains de nos produits soient le fruit du travail
des enfants. Tout est par contre mis en oeuvre pour aider nos partenaires à
lutter de manière efficace et durable contre les pires formes de travail qui
portent directement préjudice au développement de l’enfant.[5]
Le commerce équitable soutient les familles et la planète
- Les
acheteurs s’engagent à payer un prix équitable aux producteurs, afin de leur
permettre de vivre décemment.
L’objectif du commerce équitable
est d’assurer une rémunération des producteurs qui soit juste et décente
indépendamment de leur statut : producteurs indépendants ou travailleurs
salariés. En plus de couvrir les coûts de production, et d’assurer une
rémunération couvrant les besoins fondamentaux des producteurs et des travailleurs
ainsi que de leurs familles, le prix d’achat permet l’amélioration de leurs
niveaux de vie, de scolariser leurs enfants, de dégager une marge pour les
investissements nécessaires tels que les outils de production et contribue à la
satisfaction des besoins collectifs : éducation, santé, infrastructures,
renforcement des organisations de producteurs…
- De
leur côté, les producteurs s’engagent également
Le commerce équitable se destine
à des petits producteurs ou artisans défavorisés ; désireux de faire tourner
leur entreprise autrement, ils ont mis en place des organisations
(coopératives, associations villageoises…) et souhaitent contribuer ainsi au
développement économique et social de leurs membres et de leur communauté.
Le commerce équitable peut également
se mettre en place dans des entreprises où les travailleurs sont organisés
collectivement et où l’employeur est prêt à leur transmettre les revenus
supplémentaires générés par le commerce équitable.
Les organisations de producteurs
et les producteurs employeurs respectent les principes du droit national et
local[6].
Des programmes d’actions précis ont été mis en place par les organisations de
producteurs et les producteurs employeurs : les produits doivent être conçus et
élaborés selon des processus respectueux de la santé des populations et de
l’environnement. Peu de pollution se dégage du commerce équitable. Oxfam nous
informe : « Le transport n’occupe
qu’une faible part dans le bilan Carbonne d’un produit. La plupart des produits
équitables arrivent d’ailleurs par bateau, un mode de transport à faible
émission de gaz à effet de serre. » C’est un mode de production respectueux de l’environnement : au niveau
agricole, la plupart des produits équitables sont issus d’une agriculture
paysanne à petite échelle et diversifiée. Il s’agit le plus souvent de cultures
traditionnelles favorables à la biodiversité, comme le riz violet de Thaïlande,
la quinoa rouge de Bolivie, et faiblement mécanisée. De plus, les critères des
labels équitables encouragent des méthodes de production durables : absence
d’OGM, réduction des pesticides, lutte intégrée, réduction des consommations en
eau, etc… Les produits issus de l’artisanat ont un impact sur l’environnement
moins lourd que les produits industriels, en particulier ceux qui valorisent
les ressources naturelles locales ou le recyclage de produits. Chez nous, il
n’y a pas d’équivalent local pour les produits tropicaux de consommation
courante. Comme par exemple le café, le thé, le cacao, les bananes…
Nous pouvons changer nos critères d’achats
- Acheter
des produits du commerce équitable…
Ils ne sont pas nécessairement
plus chers. Oxfam nuance cette idée reçue. D’après une étude comparative
réalisée en 2011, un peu plus de trois produits équitables Oxfam sur quatre se retrouvent
dans la moyenne des prix du marché conventionnel. C’est un circuit court, avec
un seul intermédiaire entre consommateurs et producteurs. Combiner salaire
décent et bien-être de nos producteurs-partenaires avec la qualité des produits
constitue notre priorité.
- …
Mais aussi, penser au futur de nos enfants
Changer nos modes d’achats et
préserver LEUR planète
Dans certains domaines
d’achats, comme la mode ou le textile, le critère déterminant pour les
acheteurs est le prix. Depuis les années 60, le consommateur occidental
n’achète plus dans l’idée d’utiliser jusqu’à l’usure, mais veut être en phase avec les canons de la mode[7].
Ensuite, les soldes sont le moment de l’année où les commerçants font les plus
gros chiffres d’affaire. Un consommateur sur trois réserve les deux tiers de
son budget textile aux soldes[8].
Pour les commerçants, ces périodes sont devenues les plus importantes de leur
année. Croire qu’ils vendent sans plus faire de bénéfice, uniquement pour
écouler leurs stocks, est utopique. Au mieux vendent-ils à un prix un peu plus
proche de leur prix d’achat, lui-même influencé par le trop faible prix de la
main d’œuvre offerte aux travailleurs des entreprises textiles des pays où les
usines ont été délocalisées.
- Manger
équitable, mais aussi bio ou Local pour mieux consommer
Une grande quantité de nourriture
est achetée chaque jour. Fruits et légumes frais, poisson, viande, pâtes,
boissons, yaourt, surgelés, conserves… En moyenne quelques 18 kg d’aliments par
semaine et par ménage vident le porte-monnaie.
Nous devons apprendre à nous
poser les bonnes questions pour devenir de véritables consommateurs. Un exemple
simple, nous consommons quasi chaque jour des fruits et des légumes. Mais pour
autant, qui s’interroge de manger des fraises et des cerises à noël, d’avoir
dans son assiette des pommes de terre du Pérou, des haricots du Kenya et
d’avoir des kiwis toute l’année? Si cela n’est pas néfaste pour la santé,
peut-on en dire autant en ce qui concerne l’environnement ?
Nos habitudes alimentaires
provoquent un impact sur la planète. Manger en octobre une poire issue d’un
verger flamand ou se régaler de framboises importées de Grèce en février, n’est
pas équivalent sur le plan environnemental et l’avenir de nos enfants. Le
parallèle existe entre une salade produite en pleine terre ou une salade élevée
sous serre chauffée…
Etre un consommateur responsable,
c’est s’interroger sur ses achats au quotidien en termes écologiques mais
surtout humains. Il s’agit de concilier qualité, responsabilité et respect de l’environnement
mais également des humains les plus fragiles qui vivent sur la même planète que
nous.
En conclusion
Tout est dans tout. Nos modes de
consommation influent sur le destin des autres êtres humains. En termes de
pollution, bien évidemment, mais aussi et surtout en termes de respect des
Droits fondamentaux de tous les êtres humains, en commençant pas celui des
enfants. Même si, à des milliers de kilomètres, nous n’avons pas la possibilité
de supprimer leur exploitation d’un coup de baguette magique, nous avons un
tout petit pouvoir. Lutter à notre échelle, jour après jour, en faisant le
choix de produits équitables qui nous garantissent de lutter contre le travail
des enfants, soit en l’interdisant, soit en donnant progressivement aux
familles les moyens de scolariser leurs enfants. Et le commerce équitable est
une bonne alternative, pas nécessairement plus chère.
Mais il est également d’autres
pistes à explorer. Changer nos modes de consommation. Un vêtement ne doit pas
suivre la mode. Il doit nous représenter, nous tels que nous sommes, loin du
« faire comme tout le monde »,
loin de la mode. Cela aussi, c’est important car nous avons la missions
d’éduquer nos enfants à être eux-mêmes et non ce que la mode et la publicité
veulent qu’ils soient. Alors, commençons par leur montrer l’exemple.
Eduquons-les à refuser toute forme de publicité aliénante et à se construire en
fonction de leur seule personnalité.
Et puis, le commerce équitable,
ce n’est pas qu’avec les pays du Sud. C’est aussi avec les artisans de chez
nous et leurs familles. Revenons à nos essentiels. En achetant, par exemple,
chez des agriculteurs et maraîchers bios, chez des ébénistes, des bouchers,
boulangers, céramistes, etc., nous créons de l’emploi local. Nombre de familles
sont précarisées. Chaque fois qu’un emploi moins qualifié – mais décemment payé
– est créé, cela assure aussi l’avenir de nos propres enfants. Cela participe
de l’effet « boule de neige ». Ici aussi, des familles qui sortent de
la pauvreté seront mieux à même de soutenir la scolarité de leurs enfants, leur
éducation et leur qualité de vie.
[1] FINE
est le réseau informel des 4 fédérations internationales du commerce équitable.
[2]
Oxfam 2010, l’exploitation des enfants n’est pas une fatalité
[3]
Frairtrade, Max Havlange France, La lutte contre le travail des enfants, une
priorité du mouvement Fairtrade/Max Havelaar, https://maxhavelaarfrance.org/le-commerce-equitable/nos-champs-dactions/lutter-contre-le-travail-des-enfants/
[4]
Artisans du Monde, Travail des enfants et commerce équitable, Fiche
d’information « Travail des enfants et commerce équitable » Campagne de
mobilisation « D’autres horizons sont possibles » octobre-novembre 2019
[5] Oxfam Magasins du Monde, Travail des
enfants. Entre esclavage et nécessité https://www.oxfammagasinsdumonde.be/blog/article_dossier/travail-des-enfants-entre-esclavage-et-necessite/
[6]
Respect des conventions de l’Organisation Internationale du Travail (OIT)
suivantes :
Liberté d’association et de négociation collective :
Convention N°87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical
(1948) et convention N°98 sur le droit d’organisation et de négociation
collective (1949)
Elimination de toute forme de travail forcé ou
obligatoire ; Convention N°29 sur le travail forcé (1930) et convention N°105
sur l’abolition du travail forcé (1957)
Abolition effective du travail des enfants :
convention N° 138 sur l’âge minimum (1973) et convention N°182 sur les pires
formes de travail des enfants (1999)
L’élimination de la discrimination en matière d’emploi
et de profession ; Convention N°100 sur l’égalité de rémunération (1951) et
convention N°111 concernant la discrimination (emploi et profession) (1958)
[7]
Lucile Bernadac-Coudert, Eline Nicolas, Comment lutter contre le travail des
enfants chez ses sous-traitants ?
Mai 22, 2020 | Droits de l'enfant, Société
Les violences intrafamiliales touchant directement ou indirectement les enfants sont proportionnellement à la population belge au-dessus de la moyenne des pays européens. Malgré ce constat, les cas recensés ne sont que la pointe visible de l’iceberg.
En 2020, ces drames qui se déroulent à huis clos ont vu leur nombre exploser durant la période du confinement, suite à l’épidémie du coronavirus : le nombre d’appels au numéro vert 0800-30-030 « Écoute Violences Conjugales », pour la Belgique francophone, a rapidement doublé, puis triplé. Même chose pour le numéro d’appel équivalent en Flandre : les appels au numéro 1712 ont augmenté de 70 % durant le premier mois de confinement.
En temps
ordinaire déjà, les professionnels
comme SOS Enfants s’alarment et dénoncent depuis fort longtemps ce phénomène en
expansion ainsi que le manque de moyens déployés pour la prise en charge des
victimes. Un manque de moyens qui met la Belgique en opposition avec ces
engagements nationaux et internationaux et qui s’apparente pour les victimes innocentes à une deuxième forme de
maltraitance : la protection des enfants et le respect de leurs droits relèvent
du devoir de l’Etat et de ses institutions qui sont normalement censés
prendre les mesures nécessaires pour s’en assurer.
Face aux faibles mesures prises par les autorités et face
à l’augmentation de ces violences, les professionnels de terrain poussent un
cri d’alarme. Ils proposent de nombreuses recommandations dont l’objectif est de
mieux prévenir ce phénomène aux conséquences incalculables pour les victimes,
particulièrement pour les enfants.
Face aux faibles mesures prises par les autorités et face à l’augmentation de ces violences, les professionnels de terrain poussent un cri d’alarme. Ils proposent de nombreuses recommandations dont l’objectif est de mieux prévenir ce phénomène aux conséquences incalculables pour les victimes, particulièrement pour les enfants.
En période de confinement, les victimes piégées avec leur agresseur
Pendant le confinement imposé à la population, les victimes des violences intrafamiliales se sont senties isolées et piégées. Le « restez chez vous » n’était en rien une garantie de sécurité pour elles. Bien au contraire : la victime ne pouvant fuir, elle s’est retrouvée en permanence enfermée avec son agresseur qui a bénéficié de son impunité et de sa jouissance totale face à sa proie captive sous la main.
On a constaté une recrudescence de ces violences pas seulement en Belgique mais partout dans le monde. Une situation inquiétante confirmée par l’ONU : « Les mesures du confinement peuvent piéger les femmes avec des partenaires violents » a rappelé son secrétaire général António Guterres. Cette grande vulnérabilité accentuée à l’extrême par l’isolement des femmes et des enfants victimes a également été signalée par plusieurs associations et collectifs belges comme celui de lutte contre les violences familiales et l’exclusion (CVFE).
Face à l’explosion de ces cas de violences
intrafamiliales, le 3 avril dernier, une réunion interministérielle fédérale a
eu lieu durant laquelle une coordination nationale ainsi que les lignes
d’écoute ont été renforcées.
Les maisons de justice qui soutiennent les victimes dans le suivi judiciaire et les centres de prise en charge de victimes de violences sexuelles sont restés ouverts de jour comme de nuit et ont également assuré un relais constant. Un hôtel a même été mis à leur disposition à Bruxelles.
Un problème de société
Le problème des violences
intrafamiliales est un fléau contre lequel il est urgent de sensibiliser tous
les acteurs concernés : on estime que 17
signalements de maltraitance sur enfant ont lieu chaque jour et 40.000 jeunes
sont pris en charge chaque année par l’Aide à la Jeunesse en Fédération
Wallonie-Bruxelles dont 30% pour maltraitance.[1]
Ces chiffres, déjà trop nombreux, ne relèvent que les
cas connus et signalés aux autorités. La grande majorité des violences
intrafamiliales passent inaperçues et ne sont jamais comptabilisées.
Quand les enfants ne sont pas eux-mêmes victimes de ces violences, ils sont témoins de faits graves à très graves : en 3 ans, il y a eu 102 féminicides[2] en Belgique. Des drames qui, souvent, se déroulent en présence des enfants.
La Convention d’Istanbul et les mesures de lutte et de prévention prises par l’Etat fédéral
D’après les professionnels de la protection des droits des femmes et des
enfants, l’Etat fédéral doit garantir le plein respect de ses obligations
nationales et internationales. En 2016 par exemple, la Belgique a ratifié la
Convention d’Istanbul qui est un texte du
Conseil de l’Europe, l’organisation de défense des droits de l’homme au niveau
européen. Cette convention vise à prévenir et lutter contre toutes les formes
de violences à l’égard des femmes et contre toutes formes de violences
domestiques.
Ces obligations concernent 4 axes, surnommés les « 4 P » : les politiques
intégrées, la prévention, la protection et le soutien, ainsi que les poursuites.
Ce texte contraignant demande des changements au niveau du droit et donc la
mise en conformité de certaines législations belges, aujourd’hui en
contradiction avec la Convention d’Istanbul.
Il demande aussi des changements au niveau des services de soutien et
d’accompagnement offerts aux victimes. Il prévoit un nombre et des moyens
suffisants pour les services spécialisés et des refuges ainsi qu’une assistance
financière à fournir aux victimes (article 20).
La précarité est malheureusement encore la règle. Elle est un grand frein
pour les victimes voulant quitter une situation de violence afin de se protéger
et de protéger leurs enfants.
En effet, les difficultés sociales
et économiques exacerbent et prolongent encore plus ces violences intrafamiliales. Une femme battue par son mari et dépendante économiquement de lui, aura
plus difficile à prendre la décision de le quitter ou de porter plainte, d’autant
plus si elle a des enfants, sachant qu’elle devra repartir de zéro, sans
logement et avec peu d’argent.
En somme, en signant la
Convention d’Istanbul, L’État belge est normalement considéré comme
responsable des faits de violences, au même
titre que l’auteur des violences, s’il ne met pas en œuvre ce qu’il doit pour
empêcher et ensuite pour poursuivre les auteurs de ces violences.
Que proposent les associations et autres acteurs de terrain dans leur plan
de lutte contre ces violences ?
Malgré la gravité et
l’urgence de la situation, les autorités
compétentes belges peinent toujours à mettre tout en œuvre pour appliquer
correctement la Convention d’Istanbul.
« – Une politique globale, cohérente, coordonnée entre tous les niveaux de pouvoir, financée avec des fonds fédéraux à la hauteur des enjeux :
– Une protection efficace de toutes les victimes, femmes et enfants, ce qui implique des directives claires et contraignantes au niveau de la justice et des services de police, et des moyens pour les appliquer.
– Une prise en charge des auteurs de violences conjugales pour éviter des récidives.
– Une politique de prévention, dans plusieurs domaines (médias, santé, enseignement, économie, sports, culture, éducation).
– Une attention particulière consacrée aux femmes et enfants les plus vulnérables (sans papiers, en situation de handicap, qui ne parlent pas français…) »
Cette proposition de plan est éminemment urgente pour mettre fin au sentiment d’impunité des bourreaux et pour protéger des ravages sur tous les plans, physiques, psychologiques et sexuels que causent ces maltraitances sur les victimes innocents.
Les conséquences dévastatrices de ces
violences sur les enfants.
Les
enfants se construisent en fonction des modèles qui leur sont présentés. Pour grandir de manière
harmonieuse, un enfant a besoin d’amour et de limites pour le structurer, de
respect et de sécurité. A l’inverse, l’enfant qui est régulièrement confronté à
un contexte familial où dominent la peur, la colère, la culpabilité ou toute
forme de violence, peut alors présenter de nombreuses difficultés de
développement et souffrir de problèmes intériorisés tels que des troubles
d’anxiété, la dépression, le retrait social
ou une faible estime de soi.
Il
peut aussi extérioriser et réagir avec impulsivité, hyperactivité, troubles de
l’attention, agressivité ou même encore en tombant dans la délinquance. Avec un
modèle parental empreint de violence, les enfants vont donc forcément être imprégnés de cette ambiance-là qui va se répercuter sur la construction
de leur personnalité. Ils
vont être systématiquement dans la reproduction des modèles auxquels ils ont
été confrontés.
Victimes
et otages de ces relations nuisibles, la violence qu’ils subissent va les « construire » de
manière anxiogène. Qu’elle
soit verbale ou physique, cette violence est au cœur de leur mal-être et
suscite un sentiment d’insécurité aussi bien chez eux que chez les autres membres
de la famille victimes comme eux.
Ils apprennent que le mode de résolution des conflits familiaux passe par la violence.
L’Enfant
qui voit le parent agresseur rentrer à la maison vit déjà une crise d’angoisse avant que l’agresseur n’ « entre
en action ».
Il arrive que cette violence ne
s’arrête pas avec la fin de la relation conjugale. Elle va continuer à
s’exercer dans le rapport entre les deux parents. Le moment de la séparation est celui où le risque de violences est
le plus élevé. C’est souvent
le moment de passage à l’acte le plus grave, parfois meurtrier.
Les
enfants, qu’ils soient directement témoins de la violence subie par leur mère
ou qu’ils soient eux-mêmes maltraités, sont sujets à des troubles comportementaux et émotionnels liés à
l’anxiété ou à la dépression avec des pensées suicidaires, 10 à 17 fois plus souvent
que les autres enfants. 60% d’entre eux vont présenter du stress post-traumatique,
que l’on retrouvera tout au long de leur vie d’adulte.
Ces
enfants produisent du cortisol et de l’adrénaline à des taux beaucoup plus
élevés que des enfants qui ne vivent pas dans un contexte de violence. Cela va engendrer
chez eux des émotions exacerbées, des réactions d’impulsivité et d’agressivité. Ils risquent
davantage des problèmes de décrochage scolaire, de tomber dans la
délinquance, la drogue ou l’alcoolisme. Ils auront aussi du mal à identifier ou
à comprendre les émotions des autres.
Sur le plan social et affectif , quelle que soit la nature de la
maltraitance dont l’enfant a fait l’objet, il va se montrer davantage en retrait et dans
l’évitement.
L’enfant en bas âge est bien plus
exposé aux conséquences des
violences que ses ainés, parce qu’il ne peut pas encore verbaliser et qu’il
est totalement dépendant de l’adulte.
Un enfant
maltraité qui fait l’objet de coups sait pertinemment qu’ils peuvent lui être
fatals. L’expérience est terrorisante. Elle s’imprime en lui et reste sous
forme de trace traumatique. Il aura tendance à rejouer ce scénario à l’image
des scènes auxquelles il a assisté. Même si plus tard ces enfants n’auront plus
un souvenir conscient de cette violence, ils en garderont toutefois une mémoire
sensorielle qui va profondément se répercuter sur leur relation avec les autres.
Selon les estimations faites en 2012 par des études de l’Organisation
mondiale de la santé (OMS), un 1 adulte
sur 4 aurait été victime de violences sexuelles durant son enfance,
dont une majorité de femmes. Comparativement aux autres femmes, celles
ayant été victimes de violences sexuelles durant leur enfance auraient 7 fois
plus de risques d’être dans un état de stress post-traumatique, 9 fois plus de risques de tomber
dans l’accoutumance à l’alcool et aux
drogues et près de 8,5 fois plus de risques d’être sujettes à un trouble de la personnalité.
De plus, le pourcentage d’hommes et de femmes souffrant de problèmes de santé et de conduites suicidaires est plus
important chez ceux ayant déclaré des antécédents de violences sexuelles survenus
avant l’âge de 15 ans.
Ces études révèlent également une forte proportion de personnes divorcées ou au chômage parmi les victimes Il y a donc corrélation entre le fait d’avoir subi des violences sexuelles durant l’enfance et celui d’avoir un plus faible statut socio-économique à l’âge adulte.
Conclusion
Les rapports de domination, de dépendance et d’emprise
qui peuvent régner dans le foyer familial en font souvent des zones de
non-droit où la violence s’exerce à l’abri des regards. Même si le confinement
a été un catalyseur d’enfer pour les
abus domestiques, les dépôts de plaintes
ont fortement diminué durant la même période, car les victimes se sont
retrouvés enfermés avec leur bourreau et ne pouvaient sortir.
Ces
maltraitances ont donc toutes les chances de passer sous les radars car elles sont
déjà compliquées à repérer d’habitude. De quoi s’alarmer
encore plus sur ce qui se déroule habituellement dans ces huis clos familiaux.
Amnesty International et
les associations de terrain estiment qu’il est plus que temps que
ce problème devienne une préoccupation publique majeure et que l’on mette en œuvre
les moyens pour prévenir ces abus intolérables et pour protéger les victimes.
Pour être efficaces, ces moyens doivent passer par une lutte contre la
précarité socio-économique. En effet, si
tous les milieux sociaux sont concernés, tous ne le sont pas à la même
fréquence : la part des femmes victimes de violences conjugales se
monte à 36‰ pour celles appartenant au 10% de ménages ayant les revenus les
plus faibles, contre 8,3‰ pour celles appartenant aux 10% de foyers ayant les
revenus les plus élevés. Plus clairement, les femmes et les enfants les plus
pauvres sont 4 fois plus victimes de violences intrafamiliales que dans les
familles les plus aisées.
Bernard De Vos, délégué général aux droits de
l’enfant, dénonce le système actuel qui ne fonctionne pas correctement et dont « les lacunes sont multiples » [1]. Il rappelle que « de nombreux pays ont pris des législations contraignantes pour aller
vers le respect intégral des enfants » et que la Belgique est
particulièrement en retard en la matière.
On
sait que les enfants qui vivent dans un climat de violence ont beaucoup plus de
risques de devenir eux-mêmes victimes de violence, que leur développement
physique, émotionnel et social est en danger. Leur cerveau ainsi que leurs
développements nerveux et cognitif peuvent subir des dommages sévères à cause
du niveau élevé de stress émotionnel vécu.
Il y
a aussi de fortes probabilités que ce cycle de violence se répète : des
études menées dans plusieurs pays indiquent que le taux d’agressions est plus
important envers les femmes dont le mari a été maltraité quand il était enfant
ou a grandi dans un climat de violence domestique.[2]
Mais on sait comment mieux protéger ces enfants. Cette protection passe d’abord par un espace de parole avec des adultes auprès de qui ils peuvent trouver écoute et protection. Ils ont besoin d’entendre que cette violence n’est pas une fatalité, qu’elle est inacceptable, qu’elle peut s’arrêter et qu’il existe des moyens non-violents pour résoudre les conflits.
[1] https://www.laprovince.be/513573/article/2020-02-05/maltraitance-infantile-toutes-les-ecoles-ont-recu-une-circulaire
[2] https://parismatch.be/actualites/societe/396762/benedicte-linard-sur-lexplosion-des-violences-conjugales-en-lockdown-un-foyer-nest-pas-un-endroit-sur-pour-tout-le-monde
[3] https://www.rtbf.be/info/societe/detail_enfants-maltraites-par-leurs-parents-le-cri-d-alarme-des-ecoles?id=10337290
[4] Indermaur, David, ‘Young Australians and Domestic Violence’, Trends and Issues in Crime and Criminal Justice, No. 195, Canberra, 2001; Ehrensaft, Miriam K., et al. ‘Clinically Abusive Relationships in an Unselected Birth Cohort: Men’s and Women’s Participation and Developmental Antecedents’, Journal of Abnormal Psychology, vol. 113, no. 2, 2004, pp. 258-271; OMS, ‘Rapport mondial sur la violence et la santé’, ed. By Krug, Etienne G., et al., Genève, 2002; Kyu, Nilar et Atsuko Kanai, ‘Prevalence, Antecedent Causes and Consequences of Domestic Violence in Myanmar’, Asian Journal of Social Psychology, vol. 8, no. 3, 2005, p. 244.
Sources :
L’enfance
face à la violence dans le couple, Karen
Sadlier, 2014
La
violence conjugale. Développer l’expertise infirmière, Hélène Lachapelle et
Louise Forest, Presse de l’université du Québec, 2000
https:
//www.amnesty.be/campagne/droits-femmes/violence-conjugale/article/violence-conjugale
L’avenir
13 mai 2020, citant BELGA, Violences pendant le confinement: une personne
concernée sur quatre, les enfants pas épargnés
https:
//www.youtube.com/watch?v=gH92KXsFMIc
https: //www.youtube.com/watch?v=722FtRSBUIY
https: //www.youtube.com/watch?v=EwnOvLEWrXI
https:
//www.youtube.com/watch?v=AfQ99CTpBLw
https:
//www.youtube.com/watch?v=5p1bS80oMWg
https:
//www.planningsfps.be/nos-dossiers-thematiques/dossier-violences-conjugales/
https:
//www.amnesty.be/campagne/droits-femmes/violence-conjugale/article/chiffres-violence-conjugale
https:
//www.cvfe.be/publications/analyses/215-violence-conjugale-et-precarite-des-femme
https:
//www.canada.ca/fr/sante-publique/services/promotion-sante/arretons-violence-familiale/ressources-prevention/femmes/violence-faite-femmes-guide-ressources/realite-pauvrete-violence.html
L’Obs,
Elsa Fayner, 17 novembre 2016 Les femmes pauvres, premières victimes des
violences conjugales ?
https:
//www.amnesty.be/veux-agir/agir-localement/agir-ecole/espace-enseignants/enseignement-secondaire/dossier-papiers-libres-2004-violences-femmes/article/3-5-la-pauvrete-et-la-violence-un-cercle-vicieux-4344
https: //www.youtube.com/watch?v=kH_9_Piq3w4
https: //www.youtube.com/watch?v=9QUuI-ETf_o
https: //www.youtube.com/watch?v=tm3DDsWxqgI
https: //www.youtube.com/watch?v=kH_9_Piq3w4