Trop d’élèves pauvres dans le spécialisé 1 ?
L’intégration est un parcours du combattant.

Le constat que vient de réaliser l’Observatoire belge des inégalités, diffusé par LE SOIR de ce mercredi, est connu depuis quelques années. En novembre 2011, la Commission de pilotage du système éducatif avait démontré que les enfants pauvres étaient orientés 3 fois plus que les enfants nantis. Nous avions d’ailleurs dénoncé cette ségrégation avec Infor-Jeunes dans Le Soir du 30 août 2013 2 .

La Ministre Milquet veut des écoles plus intégrantes. C’est aussi notre combat et la solution que permet le Décret de 2009 3. La Convention des Droits des personnes handicapées impose d’ailleurs aux Etats Parties de créer des écoles inclusives 4. Mais nous en sommes encore loin !

L’intégration reste un parcours du combattant. Les familles ne trouvent que difficilement des écoles qui acceptent de mettre en place un projet d’intégration. Les trop rares écoles intégrantes se trouvent parfois submergées par les demandes de familles en détresse. Pendant ce temps-là, les orientations vers l’enseignement spécialisé continuent à augmenter.

Pour de nombreuses écoles, le spécialisé est LA solution à leur incapacité à répondre aux problèmes des enfants qui ont des difficultés d’apprentissage. Elles ne voient pas pourquoi elles n’orienteraient pas, « puisque le spécialisé est là pour cela ! ». Pourtant, il s’agit de discrimination 5.

Mais il n’y a pas que les écoles ordinaires qui refusent des projets d’intégration. Des écoles spécialisées mènent des combats d’arrière-garde, défendant leur pré carré. Des PMS continuent à proposer des orientations aux familles, sans proposer d’intégration. Enfin, des enseignants craignent ces élèves différents pour lesquels ils pensent n’avoir pas les outils pour les aider, alors que l’intégration les leur fournit 6.

Enfin, intégrer dans un enseignement frontal et pratiquant la sélection est un emplâtre sur une jambe de bois. Les écoles doivent changer ! L’intégration nécessite de changer ses pratiques pédagogiques afin de viser une réussite de tous les élèves (à commencer par celui qui a le plus de difficultés). L’intégration, si elle est un droit de l’enfant est aussi un bénéfice pour tous les élèves et, contrairement à ce que diront certains incompétents pédagogiques, un nivellement vers le haut, voire vers le très haut 7! A quand des écoles pour tous ?

Ce n’est pas demain mais aujourd’hui que les familles cherchent des solutions. Des écoles refusent des projets d’intégration dans la plus parfaite illégalité. Il serait temps que le politique se donne les moyens de faire respecter ses Décrets par les écoles qu’il subsidie. Et ces subsides, précisément, sont destinés à accueillir et faire réussir TOUS les enfants. Que le Gouvernement en tire les conclusions et agisse vite. Les familles en ont assez d’attendre !

1. Le Soir du 15 avril 2015, p1 et 3
2. L’enseignement spécialisé « poubelle » du général ?, Le Soir, Vendredi 30 août 2013, p. 5
Les centres PMS dirigent-ils trop vers le « spécialisé » ?, Le Soir, Vendredi 30 août 2013, p. 11
3. Le Décret Intégration scolaire du 5 février 2009 contient les dispositions relatives à l’intégration des élèves à besoins spécifiques dans l’enseignement ordinaire.
4. Convention des Droits de la Personne handicapée, article 24 § 2b, traitant de l’éducation « les États Parties veillent à ce que : Les personnes handicapées puissent, sur la base de l’égalité avec les autres, avoir accès, dans les communautés où elles vivent, à un enseignement primaire inclusif, de qualité et gratuit, et à l’enseignement secondaire. »
5. Le décret de la Communauté française du 12 décembre 2008 relatif à la lutte contre certaines formes de discrimination s’applique en matière d’enseignement (fondamental, secondaire, supérieur, promotion sociale, …) et prévoit que le refus d’aménagement raisonnable est une discrimination.
6. Pour rappel, l’intégration permet l’aide d’un enseignant « spécialiste » pour conseiller et aider l’enseignant accueillant, à raison de 4 h/semaine par enfant intégré. Si trois enfants sont intégrés, cela représente 12h.
7. Colloques des 17 octobre 2014 et 28 mars 2015 de la Ligue des Droits de l’Enfant : « L’intégration, un Droit, des pratiques. »

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