1. En général

Le manque de places. Placement en internat loin de la famille (contrevenant aux articles 19 et 23 de la convention ONU), déscolarisation… La scolarisation est pourtant un droit fondamental.

L’on pourrait demander aux écoles de communiquer le chiffre (et les données pour éviter les doublons) de leurs listes d’attente notamment pour les classes à pédagogie adaptée à l’autisme et pour les demandes d’intégration (actuellement les écoles ne doivent communiquer que le fait qu’elles sont complètes). Or, le recensement des besoins est non seulement inscrit dans la convention ONU (Article 31), mais aussi la base d’une politique de réponse à ces besoins. Pour le futur, des projections démographiques ont été effectuées. Leurs prévisions sont-elles toujours d’actualité ?

Le ministère précédent a fait voter une modification du décret missions : inscrire dans le projet d’établissement ce qui est en place pour atteindre les objectifs. Cela concerne ces questions :

→ Comment l’équipe est-elle formée ?

→ Quelle pédagogie est mise en œuvre ?

→ Quel retour a-t-on de cette disposition ?

Propositions 1

Recenser les listes d’attentes des écoles en spécifiant les besoins (type d’enseignement, pédagogie adaptée, intégration….).

Établir un état des lieux de la mise en place des dispositions pour atteindre les objectifs du projet d’établissement.

2. Classes à pédagogie adaptée aux élèves avec autisme

Le fonctionnement extrêmement particulier de l’enfant avec autisme et la diversité des troubles du spectre autistique nécessitent impérativement le recours à des méthodes pédagogiques très spécifiques, tout au long de la scolarité, si l’on veut éviter une aggravation du handicap au fil du temps. La Belgique a été pionnière en la matière puisque, dès 1988, ont été créées en Région Wallonne et à Bruxelles, à titre expérimental, des classes spécifiques pour élèves avec autisme, dénommées classes TEACCH car fondées sur le programme éducatif du même nom (Treatment and Education of Autistic and related Communication handicapped Children). Le Décret du 5 février 2009 a officialisé un enseignement adapté aux élèves avec autisme, pouvant être organisé dans tous les types de l’enseignement spécialisé. Cependant, malgré ces avancées capitales, on doit encore déplorer, 26 ans après la création des premières classes à pédagogie adaptée, de nombreux freins à leur fonctionnement optimal et à une intervention éducative de qualité, absolument indispensable au développement de l’autonomie et à l’épanouissement du jeune avec autisme. Les efforts doivent porter d’une part sur l’encadrement adéquat des élèves autistes grâce à la désignation d’un personnel suffisant, formé, apte à éduquer selon les méthodes appropriées et d’autre part, sur les moyens à mettre en œuvre pour assurer le respect des principes pédagogiques inhérents aux méthodes dites adaptées.

2.1. Encadrement des élèves autistes. Formation et désignation du personnel éducatif.

Il serait nécessaire d’évaluer les besoins en personnel et de définir les normes d’encadrement dans les classes à pédagogie adaptée. L’insuffisance de personnel nuit à la sécurité des élèves et à la qualité des apprentissages (trop souvent confiés à des enseignants non spécialisés voire à des stagiaires quand le personnel est insuffisant). Ces classes fonctionnent avec des moyens aléatoires qui empêchent leur bonne organisation et leur viabilité, la stabilité des équipes éducatives et leur professionnalisation.

L’organisation d’une pédagogie adaptée pour les élèves avec autisme est décrite dans le Chapitre 26, 1.2. de la Circulaire n° 4825 du 07/05/2014. Il y est recommandé de faire appel dans la mesure du possible au personnel paramédical et aux enseignants formés à l’éducation des élèves avec autisme et qu’un membre du personnel au moins ait bénéficié d’une formation TEACCH ou d’une autre formation dans le domaine de l’autisme.

En raison de la spécificité du fonctionnement de l’enfant autiste et de ses difficultés, en raison des risques de troubles comportementaux susceptibles d’être engendrés par une intervention non appropriée, le recours à du personnel formé devrait être obligatoire et non pas seulement recommandé ou réalisé dans la mesure des possibilités. La formation adéquate devrait être dispensée à l’ensemble ou du moins au noyau principal de l’équipe éducative. Priorité devrait être accordée aux diplômés en orthopédagogie et détenteurs d’une formation spécifique. Le personnel, notamment le personnel paramédical, ne devrait plus effectuer de prestations sans rapport avec sa spécialisation. Ceci est particulièrement indiqué dans le cas de la logopédie dont le rôle est capital mais nettement sous-exploité pour l’apprentissage de la communication, domaine gravement altéré par l’autisme. Il n’est pas logique qu’une logopède se charge régulièrement de cours de cuisine, de bricolage ou de sorties en tous genres. Elle doit pouvoir dispenser des apprentissages individuels et collectifs liés à sa spécialisation, dans une seule classe et non plusieurs classes voire une école entière. Ceci d’autant plus que les remboursements de la logopédie par les mutuelles sont refusés à l’enfant qui fréquente une école avec logopède.

La récente Réforme des titres et fonctions accordant la priorité aux titres requis a-t-elle pris en compte les classes à pédagogie adaptée ? La reconnaissance de ces classes en 2009 et leur appellation même, impliquent la mise en place d’un personnel disposant du titre requis et de la formation appropriée, ainsi que la création d’équipes éducatives plus stables, particulièrement dans l’enseignement secondaire. L’instabilité des équipes est en contradiction avec les principes pédagogiques TEACCH et la nature de l’enfant ou adolescent autiste qui est vite perturbé par des changements incessants.

L’Appel aux candidats à une désignation en qualité de temporaire dans l’enseignement obligatoire ignore les classes à pédagogie adaptée et l’enseignement spécialisé en général ; celui-ci ne fait l’objet d’aucune rubrique ou mention dans le formulaire de candidature (hormis pour les numéros de fonction 900 et 1000 « autres spécialités (uniquement dans l’enseignement spécialisé) » et la question « Acceptez-vous de travailler dans l’enseignement spécialisé? Oui-Non ». Il en ressort que tout le monde peut postuler sans posséder une formation spécifique, ni une réelle motivation exprimée de s’adapter/se former pour répondre aux besoins spécifiques des élèves.

Les directeurs d’écoles et les inspecteurs sont-ils suffisamment sensibilisés voire formés aux méthodes recommandées ? Les témoignages de parents laissent à penser que lorsque la direction fait preuve d’une bonne connaissance de la pédagogie adaptée, lorsque la classe est régulièrement supervisée et soutenue par un service d’accompagnement spécialisé en autisme, les enseignants sont davantage motivés et efficaces. La classe peut péricliter lorsque ces soutiens sont manquants. La création d’un poste de Référent coordinateur en autisme dans les écoles concernées pourrait constituer une aide précieuse. L’ignorance en matière d’autisme et la mauvaise coordination entre les divers intervenants restent les premières causes de dysfonctionnements dans les classes.

2.2. Qu’en est-il des « classes d’application » suivies par le SUSA ?

Respect des principes inhérents à la pédagogie dite « adaptée » aux élèves autistes. La Circulaire susmentionnée énonce de manière explicite les grands principes clés d’une éducation adaptée réussie. Ils sont malheureusement encore fort méconnus, mal ou non appliqués dans nombre de classes. Il serait nécessaire de rendre effectives :

  • L’obligation de PIA (Plan individuel d’apprentissage) parfois inexistant ou confondu avec le bulletin, l’obligation de l’établir en concertation avec les parents qui devraient y apposer leur signature.
  • L’évaluation régulière des objectifs de travail mis en place au cours de conseils de classes et de réunions avec les parents.
  • La collaboration avec les familles qui implique que l’enseignant puisse considérer celles-ci comme les premières spécialistes de leurs enfants autistes. Les familles ont par ailleurs une meilleure connaissance du handicap que par le passé. Beaucoup se forment, s’informent et souhaitent un véritable partenariat avec les équipes éducatives.
  • L’utilisation de systèmes de communication alternatifs (tels que le système PECS), bien trop délaissés par ignorance, facilité, manque de temps ou de personnel.
  • L’organisation d’horaires établis avant tout en fonction des besoins des élèves. Trop de classes adaptées servent de « fourre-tout » et accueillent des enseignants dont il faut compléter l’horaire, particulièrement dans le secondaire.
  • L’individualisation d’activités et d’apprentissages répétés et qui ont du sens pour l’élève, individualisation rendue quasi impossible par le manque de temps, de personnel.

Propositions 2

Définir les normes d’encadrement dans les classes à pédagogie adaptée.

Stabiliser et professionnaliser les équipes éducatives : rendre obligatoire le titre requis et la formation spécifique du personnel enseignant.

Sensibiliser et/ou former davantage les directeurs, inspecteurs aux pratiques recommandées

Créer des postes de Référent coordinateur en autisme dans les écoles.

Réviser le formulaire d’appel aux candidats temporaires en tenant compte des besoins des classes adaptées.

Veiller au respect des principes inhérents à la pédagogie adaptée tels que définis par la législation.

 

3. Intégration

3.1. Historique

La Ligue des Droits de l’Enfant a initié la plate-forme associative pour l’accueil de l’enfant malade ou handicapé à l’école en 2002, suite à l’interpellation de pédiatres navrés que des enfants malades ou porteurs de handicaps soient rejetés d’écoles.

En 2004, un premier colloque a lancé la dynamique de l’intégration scolaire en Communauté Française. Deux ans plus tard, les Etats Généraux de l’intégration portaient les revendications des familles, des associations mais également de nombreux professionnels qui avaient foi en l’intégration et qui portaient des projets au sein de leurs écoles.

Le Conseil supérieur de l’enseignement spécialisé publiait en octobre 2007 l’avis 127 sur l’intégration des élèves à besoins spécifiques.

L’intégration scolaire pour tous devenait un objectif réaliste. Ce projet était maintenant porté tant par les familles et les associations qui les représentaient que par des représentants politiques et des professionnels de l’éducation. Suite aux contacts avec les uns et les autres, les 4 grands partis démocratiques déposaient une proposition de résolution. Celle-ci fut votée à l’unanimité. Après un débat citoyen au Parlement de la Communauté Française, le Décret Intégration voyait le jour en 2009.

Aujourd’hui, l’objectif a pris une dimension plus importante encore, imposée par la Convention ONU relative aux Droits des personnes handicapées. Il s’agit de construire l’Ecole inclusive, l’Ecole Pour Tous et Pour Chacun. Une Ecole qui accueille tous les enfants au-delà de toutes les différences et qui les porte tous au bout de leurs possibilités afin d’en faire de vrais citoyens de demain.

3.2. L’intégration scolaire

L’intégration est un droit. Nous portons la demande que le pouvoir subsidiant ou organisant l’enseignement rappelle cette obligation aux écoles, et sanctionne celles qui s’y refusent ou qui ne mettent pas de projets d’intégration en place. Les Projets d’Etablissement doivent fixer les choix pédagogiques et les actions prioritaires mises en œuvre pour favoriser l’intégration des élèves à besoins spécifiques. Nous demandons que les services d’inspection vérifient que tous les établissements soient en règle par rapport aux prescrits du Décret mission en matière d’intégration scolaire.

L’intégration est une richesse pour tous les enfants. Cette richesse est due à l’introduction de ces pratiques pédagogiques nouvelles (dans beaucoup d’écoles) qui permettent à tous ceux qui ont des difficultés d’apprentissage – mais aussi tous les autres – de progresser.

L’intégration scolaire est un véritable nivellement vers le haut de tous les enfants. Elle lutte contre l’échec de tous les élèves et permet la réussite du plus grand nombre, si pas de tous.

3.3. Classes semi-collectives

Les expériences de classes semi-collectives ont démontré toute la pertinence du système. Deux enseignants à temps partiel ou complet, intégrant plusieurs enfants à besoins spécifiques, le nombre d’élèves intégrés permettant de mutualiser les périodes et de renforcer les pratiques. Cela bénéficie plus encore aux enfants de la classe. Il nous semble donc important de multiplier les classes semi-collectives accueillant des enfants avec autisme.

3.4. Formations des enseignants et intervenants

Nous attendons de la Fédération Wallonie-Bruxelles qu’elle mette en place les formations adéquates en suffisance et qu’elle permette aux enseignants de quitter leur classe, d’y être remplacés, afin de bénéficier de ces formations, dès le début d’une intégration ou dès qu’un projet se met en place.

L’intégration scolaire ne peut dépendre d’une enveloppe fermée. Ce sont plus de 30 000 élèves qui doivent pouvoir bénéficier, à terme, de l’intégration scolaire, donc, de soutien complémentaire. Une enveloppe fermée discrimine les enfants qui ne peuvent bénéficier d’aide, une fois cette enveloppe vide. Nous revendiquons que cette enveloppe voie sa dotation augmentée chaque année en prévision de l’augmentation prévisible du nombre d’intégrations.

3.5. Différenciation

L’intégration scolaire nécessite la mise en place de pratiques pédagogiques adaptées aux difficultés d’apprentissage des enfants à besoins spécifiques.

Dans le cas d’enfants avec autisme, il existe des pratiques recommandées qui portent leurs fruits, permettant à ces enfants de progresser tant au niveau des apprentissages que de la communication. Intégrer un enfant autiste implique que ces pédagogies soient mises en place.

Chaque enfant étant différent, les difficultés d’apprentissage le sont tout autant. Il est donc fondamental que les professionnels pratiquent la différenciation, en offrant un maximum de clefs pour permettre l’apprentissage à tous les élèves.

3.6. PIA

Le Plan individuel d’Apprentissage n’est pas toujours réalisé avec les parents. Il est fondamental que ceux-ci, avec leurs représentants s’ils le désirent, participent à son élaboration avec les autres partenaires et en reçoivent copie, ainsi que les différentes parties.

Propositions 3

Rappeler aux écoles leurs devoirs en matière d’intégration scolaire et sanctionner celles qui ne mettent pas en place les accommodements raisonnables nécessaires à l’intégration de tous les enfants.

Multiplier les classes semi-collectives accueillant des enfants avec autisme.

Mettre en place des formations aux pratiques pédagogiques adaptées, ainsi qu’à la différenciation.

Prévoir les moyens financiers suffisants et nécessaires à l’intégration scolaire de tous les élèves.

S’assurer que les parents sont bien invités à participer au PIA et qu’une copie de celui-ci leur soit remise.

Propositions supplémentaires

Ouvrir au plus vite le Groupe de Travail (prévu) « Pédagogies adaptées » au Conseil Supérieur de l’Enseignement Spécialisé.

Revenir chaque année pour faire le point sur les avancées.

 

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