J’ai rêvé d’une école inclusive

Ghislain Magerotte

Je suis ami d’une famille comptant trois enfants, dont un garçon avec une déficience intellectuelle. Cette famille été suivie par un service d’aide précoce en vue de faciliter l’accueil de cet enfant « spécial » dans sa famille, son quartier et sa commune. Elle a commencé la scolarité de son fils, Jean, dans une école fondamentale qui se veut « inclusive. Nous en avons parlé et, à l’heure où la FWB se lance dans ce projet d’école inclusive, j’ai fait un rêve.

Jean part à l’école avec son frère et sa sœur, à pied, parfois conduit par ses parents, quand il pleut ou qu’il y a du retard. Parfois, il va avec un copain du voisinage, qu’il connaît depuis quelques années. D’autres élèves y vont en utilisant un transport en commun, et quelques autres y vont en transport scolaire, car ils habitent trop loin.

Il arrive à l’heure, accueilli à la grille par une éducatrice-surveillante, et passe quelques minutes à la cour de récréation. Il va retrouver ses copains ou il se débrouille seul.

Jean entre en classe avec les élèves de son âge

Il participe aux différents cours, en même temps que les autres élèves, mais avec un soutien de son professeur spécialisé. A cette fin, il consulte le programme de la matinée, qui est placé sur son banc et qui s’appuie, notamment mais pas exclusivement, sur les objectifs qui sont dans son P.I.A.

 Au début, il était soutenu dans pratiquement toutes les matières, mais depuis, ce soutien est surtout prévu pour les apprentissages qui sont nouveaux pour lui. Par contre, il se passe de ce soutien pour les activités qu’il doit uniquement revoir. S’il a fini ses tâches et qu’il lui reste du temps libre, il fait une activité qu’il aime bien et qu’il réalise à sa place ou dans le coin prévu à cet effet. Il arrive en effet que le professeur spécialisé le laisse travailler seul et s’occupe des autres élèves, en collaboration avec le titulaire.

Il travaille aussi avec un copain de classe, qui s’est engagé pour trois mois à devenir son « tuteur ». Il est sympa et travaille avec lui, sous la supervision du professeur. Parfois, il peut être le tuteur d’un élève qui a davantage de difficultés que lui dans certaines matières.

Et la matinée se passe ainsi : Jean regarde son horaire de travail, qui alterne les activités d’apprentissage (avec son professeur spécialisé et parfois son titulaire) et les activités de maîtrise et il lui arrive de travailler seul ! Il fait la gym ainsi que quelques autres activités non scolaires avec les autres élèves de la classe,

Vient la récréation et la pause de midi. Lors de la récréation, il est accompagné par un copain, ou joue avec plusieurs copains, ou il observe calmement les autres. La pause de midi a été compliquée pendant un certain temps, à cause d’un certain désordre, d’un encadrement insuffisant et peu formé à l’inclusion, mais après une mise au point de l’organisation et une discussion avec le référent de l’inclusion, les groupes ont été plus paisibles. Il prend actuellement ses tartines avec les autres élèves  

L’après-midi, tous les élèves de sa classe font diverses activités, tenant compte de leurs compétences, motivation et attentes. Cette organisation s’inscrit dans le cadre du projet de l’équipe visant la mise en place d’une école inclusive réservant le matin aux activités scolaires. Ensuite, l’après-midi, chaque élève peut opter pour des activités diverses, au choix, tenant compte de leurs spécificités, et ce durant un trimestre en principe. Ces activités peuvent varier en fonction des trimestres et porter sur des activités de rattrapage ou de perfectionnement dans les diverses matières, ou encore des activités plus socio-culturelles (cinéma, théâtre, …) ou artistiques.

Comme Jean est reconnu comme ayant des « besoins spécifiques » (mais qui n’en a pas ?), durant l’après-midi, il reçoit des services de logopédie, de kiné ou d’ergo en cas de besoin, ou encore de remédiation pédagogique. Parfois aussi un professionnel du Service d’Aide à l’Intégration vient à l’école pour des activités particulières.

En fin d’après-midi, il retrouve les élèves de sa classe pour s’assurer que tout est en ordre pour les jours suivants, se dire « au revoir » et rentre chez lui.

Enfin, la vie d’un élève ne s’arrête pas à la grille de l’école. Aussi, Jean est invité à jouer par des copains de l’école, notamment lors des fêtes d’anniversaire, et il invite aussi des copains à venir jouer chez lui. De plus, il participe à toute activité comme un voyage ou une excursion scolaire adaptée aux besoins de chaque élève de la classe.

Et en tant que parents, qu’avez-vous fait durant ces années de scolarité ?

Nous avons sollicité le CPMS pour une évaluation de notre enfant mais nous avons dû solliciter un autre service pour disposer d’une orientation vers une école qui s’était engagée dans un processus d’inclusion. Sommes-nous dans une situation unique ? Non, car il semble, suite à nos contacts avec d’autres parents, que les CPMS ne conseillent pas l’intégration et/ou ont des difficultés à trouver des écoles partenaires. Certains parents ne reçoivent d’ailleurs pas le rapport écrit des évaluations réalisées avec leur enfant. De plus, un CPMS assure la guidance des élèves mais nous n’avons pas été informés – comme beaucoup de parents sans doute – du travail réalisé par ce centre avec notre enfant. Ces activités doivent faire l’objet d’une refonte fondamentale dans la cadre de la réforme systémique proposée par le Pacte pour un Enseignement d’Excellence.

Par contre, nous, les parents, avons été invités à participer à l’élaboration du P.I.A. de notre enfant avant la réunion du Conseil de classe pour exprimer nos attentes et celles de notre enfant, qui a des difficultés à s’exprimer. Jean nous accompagne habituellement lors de cette réunion. Le titulaire ou le professionnel spécialisé qui a la charge de coordonner le PIA nous remet après la réunion, le P.I.A. de l’élève et il l’adapte au niveau de compétence de l’enfant, avec des dessins et quelques mots. Nous sommes heureux d’avoir aussi des suggestions concernant les stratégies utilisées en classe et qui sont utiles pour assurer le suivi de notre enfant après la classe, le soir, le week-end et durant les congés.

Quant aux évaluations de notre enfant, nous recevons régulièrement, par trimestre, les évaluations non chiffrées, avec beaucoup de suggestions positives. Il serait très intéressant de les recevoir plus régulièrement, d’autant plus que les professionnels doivent en permanence adapter leur pédagogie aux besoins de leurs élèves. Cela nous donnerait des idées … et démontrerait que l’équipe de l’école est très attentive aux besoins de tous les élèves.

Décembre 2020, à l’occasion du 50ème anniversaire de la loi sur l’enseignement spécial de 1970

Ghislain Magerotte est membre de la Plate-forme pour une école inclusive de la Ligue des Droits de l’Enfant. Il est professeur émérite à la Faculté de Psychologie et des sciences de l’Education à l’Université de Mons (Mons, Belgique). Il est aussi président d’honneur de la Fondation d’utilité publique SUSA (Service Universitaire Spécialisé pour personnes avec Autisme). Il est l’auteur de plusieurs ouvrages : Pratique de l’intervention individualisée tout au long de la vie (avec M. Deprez & N. Montreuil). 2ème édition. (2014). Bruxelles : De Boeck –  Scolariser des élèves avec autisme et TED. Vers l’inclusion. (avec C. Philip & J.-L Adrien,. Eds) (2012). Paris : DunodL’intervention Comportementale Clinique. Se former à l’A.B.A. (avec E. Willaye, E.). (2010). Bruxelles : De Boeck-Université – Evaluation et intervention auprès des comportements-défis. Déficience intellectuelle et/ou autisme (avec E. Willaye) (2008). Bruxelles : De Boeck – Améliorer la qualité de vie des personnes autistes (avec Rogé, B., Barthélémy, C. (Eds). 2008. Paris : Dunod – Qualité de vie pour les personnes présentant un handicap. Perspectives Internationales. (avec D. Goode et R. Leblanc, Eds) (2000). Paris-Bruxelles : De Boeck et Larcier. Il a également publié des articles sur ces différentes problématiques.

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